samedi 19 mai 2018

AU CHILI, «ON ENTEND L’ACCENT VÉNÉZUÉLIEN À CHAQUE COIN DE RUE»



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VÉNÉZUÉLIENS AU CHILI
Depuis quelques années, des milliers de Vénézuéliens ont fui la misère et Maduro [affirmation à peine biaisée !] pour la capitale, Santiago.
VÉNÉZUÉLIENS TRAVAILLANT
DANS LA RÉCOLTE DE POMMES
PHOTO EL NUEVO HERALD
Par Justine Fontaine

Chaque week-end, les terrains de baseball du Stade national de Santiago du Chili prennent des airs de petite Caracas : reggaeton à plein volume, joueurs aux maillots siglés «Venezuela Jr» ou «Venezuela Soy». En l’espace de trois ans, du fait de l’immigration vénézuélienne, la ligue locale de baseball est passée de huit à vingt-quatre équipes. Jackson Marciales, 34 ans, s’apprête à entrer sur le terrain. «Quand je suis arrivé il y a cinq ans, chaque fois que je croisais un Vénézuélien, je prenais son numéro, se souvient-il. Maintenant, on entend l’accent à chaque coin de rue, et il y a des stands de spécialités vénézuéliennes partout. Je me sens presque comme à la maison, mais cela en dit long sur la situation de notre pays.»

Inflation.

L’année dernière, selon la police aux frontières, ce sont plus de 160 000 Vénézuéliens qui sont arrivés au Chili, le plus souvent en bus, faute de moyens financiers. C’est ce qu’a fait Johanna Pizarro en décembre, avec son mari et son fils. Sept mille kilomètres depuis Valencia, une grande ville industrielle située à l’ouest de Caracas. « J’y pensais depuis cinq ans, se souvient-elle. Mais je n’avais pas sauté le pas jusqu’à maintenant parce que je croyais encore au fait que le gouvernement pouvait tomber. » La jeune femme a vendu maison et voiture pour quitter le pays quand elle a vu la peau de son fils de 7 ans couverte d’irritations : « Le médecin a dit que c’était à cause de l’eau de la ville, car le gouvernement n’a pas réalisé les travaux d’assainissement nécessaires », fulmine-t-elle. Selon le Fonds monétaire international, l’inflation a atteint 2 400 % en 2017, et continue d’augmenter. La pauvreté atteint des sommets.

«Fraude».

Bianca Hidalgo est arrivée il y a quinze jours seulement. Au Venezuela, elle travaillait comme ingénieure chimiste dans la plus grande raffinerie de pétrole du pays. « Même moi je ne m’en sortais pas financièrement. Je gagnais 2,5 millions de bolivars par mois et ça ne suffisait pas pour acheter un kilo de viande et un litre d’huile », se désole-t-elle. Alors ce dimanche, elle ne votera pas. Elle ne croit pas en cette élection. Pas plus que Williams Obispo, au Chili depuis trois mois : « C’est une vaste fraude. Et le Président a dit pendant la campagne qu’il allait arranger des choses qu’il n’a jamais réussi à régler. C’est se moquer de tous les Vénézuéliens. »

De toute façon, ni les noms de Williams et de Bianca ni ceux de la majorité des Vénézuéliens installés au Chili n’apparaissent sur les registres électoraux du consulat. Seuls les détenteurs d’un titre de séjour permanent ont pu s’inscrire au début de l’année. Pourtant, « la loi prévoit que peuvent s’inscrire sur les listes électorales les personnes qui ont une résidence "légale" à l’étranger, explique Luis Zurita, président de l’Association vénézuélienne au Chili. Cela dénote clairement l’intention des autorités de porter atteinte au droit de vote des Vénézuéliens de l’étranger. »