mercredi 14 mars 2018

PORTRAIT. GINA HASPEL, UNE FEMME ACCUSÉE DE TORTURE POUR DIRIGER LA CIA


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GINA HASPEL EN 2017.
L’actuelle numéro 2 de la CIA pourrait devenir la première femme à diriger la célèbre agence de renseignement… si son passé trouble dans les prisons secrètes américaines et les accusations de torture ne viennent pas contrecarrer sa nomination.
DESSIN MARIAN KAMENSKY
Dans un tweet enthousiaste dont il a le secret, Donald Trump se félicitait mardi de la nomination de Gina Haspel à la tête de la CIA – en remplacement de Mike Pompeo, nommé secrétaire d’État après le renvoi de Rex Tillerson – en soulignant qu’elle serait « la première femme » à occuper ce poste.

Las ! La presse américaine n’a pas retenu l’angle “féminin” pour parler de cette promotion, préférant s’intéresser à la carrière controversée de cette ancienne espionne de 61 ans, dont le nom est associé aux épisodes les plus sombres de l’histoire récente de la CIA. “Le genre de Gina Haspel est la chose la moins importante la concernant”, affirme ainsi le magazine The Atlantic, résumant l’avis d’une grande partie des médias.

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Le Los Angeles Times reconnaît que Mme Haspel “a adroitement navigué entre les postes difficiles à l’étranger et la vaste bureaucratie du siège de l’agence à Langley” et qu’elle a “constamment gravi les échelons des services secrets, pourtant dominés par les hommes, durant une carrière commencée en 1985 et menée principalement dans l’ombre”.

Mais le magazine Time préfère insister sur le fait que l’actuelle numéro 2 de la CIA “a dirigé dans le passé une prison secrète de l’agence, en Thaïlande, où les détenus étaient soumis à la torture. Elle est aussi liée à l’initiative, au sein de l’agence, de détruire les preuves des interrogatoires”, qui reposaient entre autres sur les techniques de privation de sommeil et de simulation de noyade.

Une personnalité controversée, selon The Atlantic, qui observe que “le rôle d’Haspel a suscité à la fois éloges et critiques, certains la voyant comme une professionnelle loyale appliquant des méthodes qui avaient été validées et jugées légales après la pire attaque terroriste de l’histoire du pays, d’autres la voyant comme partie prenante de l’adoption inconsidérée, après le 11-Septembre, de méthodes de renseignement inhumaines et inefficaces”.

Ce profil hautement contrasté “pourrait susciter la résistance du Sénat”, qui doit donner son feu vert à cette nomination pour la rendre effective, remarque le magazine Rolling Stone. Partisans et opposants ont pris leurs marques dès mardi, le sénateur démocrate de l’Oregon Ron Wyden considérant que “le passé de Mme Haspel la rend inapte à diriger l’agence”, selon des propos repris par USA Today.

Les avis divergent même chez les républicains, observe le quotidien. Si le sénateur Richard Burr, président du comité du Renseignement, estime que l’intéressée a “les compétences, l’expérience et le jugement” pour le poste, son collègue de l’Arizona John McCain, ancien combattant torturé au Vietnam, prévient que Mme Haspel devra expliquer devant le Sénat “la nature et l’étendue de son implication dans le système d’interrogatoire de la CIA” si elle espère être nommée.

Plusieurs médias remarquent en outre que même victorieuse devant le Sénat, Gina Haspel devra composer in fine avec un autre adversaire de taille : Donald Trump lui-même. Comme l’explique le Los Angeles Times, le président américain est coutumier des “sévères critiques” à l’encontre des services de renseignement. Et The Atlantic de rappeler à quel point Trump est “manifestement déloyal avec les gens qu’il nomme”.