mardi 5 décembre 2017

NARUMI, LE CRIME SANS CADAVRE


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Une pièce maîtresse qui manque cruellement sur l'échiquier des enquêteurs de la police judiciaire de Besançon. Une autre pièce manque : le suspect n° 1, Nicolas Zepeda Contreras, qui est rentré au Chili. Très loin de la justice française. L'ex-petit ami de Narumi a toujours nié à distance son implication. Malgré une série de charges confondantes.

Un nouveau périmètre pour les fouilles

La semaine dernière, la procureur locale a annoncé de nouvelles fouilles. Au sud de Dole, près de Parcey et de la forêt de Chaux. Pour arriver à cibler leurs recherches sur des secteurs restreints, les policiers ont exploité tous les éléments de téléphonie disponibles. Le portable de Nicolas Zepeda Contreras a ainsi « borné » dans cette zone après la soirée du 4 décembre et sur des périodes susceptibles de correspondre à celles nécessaires à faire disparaître un corps. La neige et le froid qui sévissent actuellement ne vont pas faciliter les opérations. Mais les policiers ont pris l'habitude de jouer contre les éléments dans cette affaire. Une enquête à rebours et à obstacles.

Ce n'est en effet qu'à la mi-décembre l'an dernier que des amis de Narumi s'inquiètent de son absence. La petite chambre de l'étudiante située sur le campus de La Bouloie est fouillée. Rien d'apparent, mais il manque une valise orange et l'ordinateur. Et puis il y a ce cri dans la soirée du 4 décembre. Les enquêteurs remontent le fil. Ce soir-là, Narumi a dîné avec son « ex », Nicolas. L'étudiant chilien et la jeune fille ont vécu une idylle au Japon pendant quelques mois. Mais depuis son arrivée en France à la fin de l'été 2016, Narumi est passée à autre chose. Nicolas, non. Il est reparti au Chili, d'où il poste sur Internet une vidéo inquiétante évoquant les « mauvaises choses » faites par Narumi, mais aussi de curieuses « conditions » à remplir sous deux semaines.

Fin novembre, il débarque en Europe, en Espagne d'abord, puis dans le Doubs. Le dimanche 4 décembre, les anciens amoureux visitent le musée Gustave Courbet à Ornans, puis dînent à la Table de Gustave, un restaurant de la commune du Doubs. Dernier dîner pour Narumi. Le couple retourne à Besançon sur le campus avant le dernier cri de l'étudiante.

Au Chili, le suspect est libre de ses mouvements

Trois jours plus tard, Nicolas quitte l'Europe pour retourner au Chili. Avec ses secrets et en ayant pris soin d'effacer toutes les données GPS de la voiture de location qu'il utilisait lors de son séjour en France. Malgré les charges qui pèsent contre lui, la justice chilienne s'est contentée d'une audition a minima. Et Nicolas est libre de ses mouvements. Les enquêteurs français ont des certitudes, mais pas de corps. D'où la multiplication des opérations de fouilles, ou encore ces 20 t de déchets qui ont été patiemment triées pour essayer d'en extraire d'éventuelles traces de la jeune étudiante japonaise. En vain.

Dans les prochaines semaines, les policiers vont donc se livrer à de nouvelles recherches. Sans doute les dernières. Elles seront scrutées depuis le Japon par la famille de Narumi et les médias, qui se passionnent pour ce fait divers. Il faudrait un peu, beaucoup de chance, aux enquêteurs pour retrouver un corps qui a pu être enterré ou même brûlé. Ce coup de pouce du destin qui vient parfois bouleverser une enquête. Sinon, l'énigme Narumi restera hantée par ce cri dans la nuit. Glacial comme une nuit d'hiver.

Une demande d'extradition du suspect en 2018

Une victime japonaise, un crime en France et un suspect chilien reparti au Chili. L'équation de l'affaire Narumi donne des maux de tête à la justice française depuis un an.

Si un mandat d'arrêt international a bien été émis contre Nicolas Zepeda Contreras dès le 26 décembre 2016, ses effets sont concrètement bien faibles. Le suspect a bien comparu, cinq minutes, devant un tribunal, mais il reste libre de ses mouvements et la justice chilienne semble peu convaincue par les charges pesant contre lui.

Retrouver le corps devient impératif

La justice française prépare donc une demande d'extradition qu'elle va transmettre à son homologue chilienne en début d'année prochaine. Pour des raisons procédurales, elle ne pourra réaliser cette demande d'extradition qu'une seule fois. Erreur interdite, donc.

Les enquêteurs espèrent donc retrouver le corps de Narumi Kurosaki d'ici là. Sinon ils transmettront un dossier, certes solide à leurs yeux, mais incomplet. La cour suprême chilienne aura ensuite deux mois pour se prononcer et dire si, oui ou non, elle confie Nicolas Zepeda Contreras à la France. Si elle refuse, il restera deux solutions aux enquêteurs : soit « dénoncer les faits » aux autorités chiliennes, leur transmettre le dossier, et le procès du suspect aurait ainsi lieu au Chili ; soit poursuivre la procédure en France et juger Nicolas Zepeda Contreras en son absence, par contumace.