vendredi 18 novembre 2016

CHILI: L'ÉLECTRICITÉ GRATUITE POUR CAUSE DE SURPRODUCTION ANARCHIQUE

Au Chili, les consommateurs d’électricité achètent généralement sur le marché de gros, au prix de marché ou parfois par contrat d’achat d’électricité. Pour leur part, les clients qui disposent d’une capacité de raccordement au réseau supérieure à 2MW ne sont pas soumis à des règles de tarification: ils peuvent négocier les prix avec les producteurs d’électricité.

Parmi les gros consommateurs, on trouve le secteur minier, qui n’a cessé d’accroître sa demande et boosté le marché du photovoltaïque.

Le solaire est devenu la «brique de base du mix énergétique», écrit la société française Solairedirect, fortement implantée au Chili. Car ici, l’ensoleillement est généreux, notamment dans la région du désert de l’Atacama, au nord du pays. Le désert le plus sec au monde dit-on. Autre spécificité locale, l’absence de gaz et de pétrole dans le pays, imposant l’importation d’hydrocarbures à prix élevé.

Présente au Chili depuis 2010, la société Solairedirect, filiale d'Engie, a répondu aux spécificités de ce marché. Elle finance et construit des projets comme le parc solaire de Los Loros. Situé dans le désert de l’Atacama, le parc est composé de 178.200 panneaux photovoltaïques pour une puissance totale de 53,8MW.

Le fiasco

Mais les nuages ont commencé à s’accumuler sur ce tableau idyllique. La production de cuivre, dont le Chili est le premier producteur mondial, a fléchi en raison d’une offre mondiale excessive. Et par voie de conséquence, la demande en électricité a également chuté.

La SIC, l’opérateur de la région centrale, a vu sa capacité solaire multipliée par quatre depuis 2013. Elle atteint désormais 770MW, la puissance d’une centrale nucléaire. Pour trouver preneur, le prix du kilowatt ne cesse de descendre. Il a atteint 60 dollars alors que le coût se situe à 70 dollars. Car la révolution verte, si elle existe, concerne surtout le secteur industriel, celui qui peut négocier les prix, et qui a besoin d’un gros volume énergétique.

Surcapacité

Conséquence: faute d’un réseau de transport suffisant, la production ne peut pas atteindre les zones urbaines de Santiago (5 millions d’habitants) et de Valparaiso (800.000 habitants), au centre du pays. L’électricité «s’écoule» en permanence de ces panneaux solaires, mais ne trouve pas de clients. Les deux grands fournisseurs du pays, le réseau du nord et celui du centre ne sont pas interconnectés.

L’électricité solaire, tellement abondante, a été bradée puis offerte. 192 jours gratuits en 2015, 113 en date d’avril 2016, à la fin de l’été austral. «Les investisseurs perdent de l’argent», reconnaît le responsable de l’unité de production du groupe espagnol Acciona, qui a investi 343 millions de dollars dans un projet de 250MW. «La croissance a été désordonnée. Il ne peut pas y avoir tant de promoteurs au même endroit», ajoute-t-il sur La Tercera.

Alors, l’électricité gratuite n’est pas forcément une bonne nouvelle. Elle illustre le manque d’infrastructures, ce qui a terme pourrait arrêter le développement du solaire.

Pour autant, cela ne remet pas en cause, pour le moment, les projets. Ainsi EDF energies nouvelles, en partenariat avec la compagnie Andes Mining Energy, prévoit la construction à quelques kilomètres au nord de Santiago d’un parc de 372.000 panneaux solaires pour une puissance de 115 MW.Une centrale enfin au plus près des clients.