mardi 8 novembre 2016

CHILI : LA DÉFENSE DES RETRAITES MET LE FEU AUX POUDRES

Ce mouvement, qui s’élargit depuis plusieurs années, revendique la fin du système privé de retraite par capitalisation, imposé sous la dictature par José Piñera, et le passage à un système tripartite par répartition.

Actuellement, pour espérer toucher une retraite, les Chiliennes et les Chiliens sont obligés de cotiser à l’une des six administrations de fond de pension (AFP) existant sur le marché. Selon le FMI, en 2004, deux tiers des travailleuses et des travailleurs cotisaient à ces AFP, dont le total des actifs s’élevait à 59 milliards de dollars, soit un peu plus de 60% du PIB.

Le problème est que les pensions de retraite versées sont très variables — puisqu’elles dépendent des cours de la bourse —, très faibles et inégalitaires. Les hommes ne touchent en moyenne que 38% du revenu qui était le leur durant leur vie active, et les femmes 28%.

Le mouvement se construit depuis plusieurs années et s’est renforcé ces derniers mois. La journée du 4 novembre en est le sommet. Les actions de blocage ont commencé à 6h du matin, dans tout le pays. Le ministère de l’Intérieur a déclaré avoir compté vingt-six « foyers de perturbations » dans le pays, dont 16 à Santiago. La diversité des actions montre bien l’éventail des forces politiques qui soutiennent le mouvement : coupures de routes avec distributions de tracts, occupations de stations de métro, blocages d’universités, barricades enflammées. Dès le matin, la répression a été assez importante, menant à des affrontements avec la police et à une soixantaine d’arrestations. La presse, en écho parfait avec la communication du gouvernement, s’est focalisée sur les violences, et le porte-parole de « No+AFP » s’en est totalement désolidarisé.

La grève, quand à elle, a été particulièrement suivie dans le secteur public, grâce à la convergence d’une lutte sectorielle sur la valorisation des salaires des fonctionnaires. Elle a ainsi paralysé plusieurs ministères, de nombreux services locaux, établissements scolaires et transports publics. Le secteur de la santé, et surtout hospitalier, ont fortement suivi la grève. Dans le privé, le secteur portuaire a massivement répondu à l’appel, ainsi que ceux de la pêche, des commerces, et du secteur minier, pilier de l’économie chilienne.

Les manifestations ont eu lieu dans les grandes villes du pays mais la plus importante s’est déroulée à Santiago. Là encore, la répression a été sévère avant même le début de la marche. Guanacos (camions avec canons à eau) et zorillos (voitures rapide projetant des gaz lacrymogènes) sont entrés en action dans les rues parallèles et toute la manifestation a été ponctuée d’attaques policières. Les casserolades ont été suivies dans tout le pays et ont beaucoup circulé sur les réseaux sociaux.

Il est encore difficile de tirer une conclusion de cette journée. Les médias ont occulté tant qu’ils le pouvaient l’importance de la mobilisation, et aucune donnée chiffrée n’a encore été émise. A ce jour, les organisations elles-mêmes n’ont pas encore communiqué sur les suites. Mais il semble certain que les perturbations ont été sérieuses. La base du mouvement est prête à amplifier et radicaliser la mobilisation. Le porte-parole du mouvement a reconnu l’existence de violences dans le cadre du mouvement, sans y appeler ni s’en désolidariser, s’excusant des désagréments ainsi causés. Toutefois, les réactions spontanées de nombreux et nombreuses Chiliennes au passage des manifestations démontrent un soutien massif de la population au mouvement.