mercredi 4 mai 2016

L’HÉCATOMBE CONTINUE AU CHILI

DES MILLIERS DE PALOURDES ÉCHOUÉES SUR LES CÔTES 
DE L'ÎLE DE CHILOÉ, ENVIRON 1.000 KM AU SUD DE SANTIAGO, 
AU CHILI, LE 1ER MAI 2016. PHOTO ALVARO VIDAL

Le premier signal d'alarme est venu l'an dernier, quand plus de 330 baleines ont été retrouvées mortes dans un fjord isolé de la Patagonie, à l'extrême sud du pays.

Mais il n'est pas resté un incident isolé : début 2016, une prolifération anormale de micro-algues dans la région de Los Lagos (sud) a tué par asphyxie 40 000 tonnes de saumon, soit 12% de la production annuelle du pays, numéro deux mondial du secteur.

Quatre mois plus tard, ce sont 8000 tonnes de sardines mortes qui ont été découvertes à l'embouchure du fleuve Queule, dans la région de La Araucania (sud).

Et la semaine dernière, des dizaines de milliers de mâchas, coquillage typique du Chili, ont connu le même sort près de l'île de Chiloé, dans la région de Los Lagos, nouvel indice d'un océan perturbé.

La faute à la marée rouge ?

Pour les autorités, le décès massif de mâchas est dû à la présence, dans cette zone, de la «marée rouge», liée à la multiplication d'algues. Par précaution, elles ont interdit l'extraction de fruits de mer dans toute la région, privant de travail des milliers de pêcheurs.

«Tous les ans nous avons des marées rouges dans la partie australe du Chili, mais cette fois la marée a avancé plus vers le nord, affectant ces populations de mollusques qui n'y avaient jamais été exposés auparavant», explique Jorge Navarro, expert du Centre de recherche en écosystèmes marins en haute altitude (Ideal).

Ou bien El Niño ?

Pour les scientifiques, derrière la majorité de ces épisodes étranges se trouve le phénomène météorologique El Niño, qui touche l'Amérique latine depuis environ un an. Il provoque, entre autres, un réchauffement des eaux de l'océan Pacifique, propice à la prolifération d'algues consommant l'oxygène des poissons ou entraînant une forte concentration en toxines comme dans le cas de la marée rouge.

«Nous supposons qu'un facteur commun à tous ces cas de mortalité survenus tant chez les saumons d'élevage dans le sud du Chili que chez les poissons des côtés (les sardines principalement) est l'actuel phénomène d'El Niño, l'un des plus intenses de ces 65 dernières années», a ainsi indiqué un panel d'experts de l'Institut de la pêche du Chili (Ifop).

Le Chili manque d’information sur la mer

Mais les scientifiques citent aussi d'autres facteurs. Laura Farias, océanographe de l'Université de Concepcion, soupçonne le développement croissant de la pêche dans la zone d'avoir entraîné les morts de saumons et coquillages.

«Il y a des études qui indiquent qu'en Patagonie, la plus forte fréquence de bloom (prolifération d'algues, ndlr) toxique pourrait être une conséquence de l'aquaculture», explique-t-elle, assurant qu'«il n'y a pas de phénomène écologique, océanographie ou climatique» reliant tous ces incidents.

«Le Chili manque encore d'information sur la mer», souligne Valesca Montes, spécialiste de la pêche au sein de l'organisation WWF Chili. Selon elle, «il faut investir dans l'information océanographique, afin d'être capables de prédire certains événements» et mieux se préparer aux effets du changement climatique.