mardi 5 avril 2016

ISLANDE : LES « PANAMA PAPERS  » PROVOQUENT LA CHUTE DU GOUVERNEMENT

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DÉJÀ EN DIFFICULTÉ DANS SON PAYS, SIGMUNDUR DAVID GUNNLAUGSSON 
DOIT FAIRE FACE AUX ACCUSATIONS DE FRAUDE FISCALE 
À LA SUITE DE LA DIVULGATION DE DOCUMENTS.

La publication de documents confidentiels en provenance du Panama a fait mardi une première victime politique, en Islande. Le Premier ministre, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, qui était cité dans ces documents pour avoir ouvert une société dans un paradis fiscal (les îles Vierges britanniques) avec sa femme, une riche héritière, a été poussé à la démission en 48 heures. Le chef du gouvernement a eu beau crier son innocence, arguant qu’il avait vendu ses parts à son épouse pour 1 dollar en 2009, avant d’entrer en politique, rien n’y a fait. Après les révélations de la presse internationale sur cet immense réseau de comptes offshore, mettant en cause de nombreuses personnalités politiques du pays, le Premier ministre avait commencé par refuser de démissionner. Mais après une manifestation ayant rassemblé 6 % des Islandais, lundi, et le dépôt d’une motion de censure par l’opposition, la pression est montée d’un cran. Sigmundur Davíð Gunnlaugsson a alors demandé au chef de l’Etat, Olafur Ragnar Grímsson, la dissolution du Parlement. Après le refus de celui-ci, le Premier ministre a préféré jeter l’éponge. Dans l’après-midi, il a informé son groupe parlementaire qu’il allait démissionner de ses fonctions. Tout en œuvrant pour que son successeur soit un membre de la coalition actuelle.

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L'ICIJ, LE CONSORTIUM INTERNATIONAL DES JOURNALISTES D'INVESTIGATION, A DÉVOILÉ LE 3 AVRIL 2016 UN SYSTÈME DE FRAUDE FISCALE INTERNATIONAL, GRÂCE À UNE FUITE MASSIVE DE DOCUMENTS ULTRA-CONFIDENTIELS EN PROVENANCE DE PANAMA.


Plusieurs ministres éclaboussés

L’équipe sortante risque d’être sévèrement sanctionnée par les électeurs. Car le Parti de l’indépendance, principale force politique du pays jusqu’à la crise financière qui avait secoué l’île à partir de 2008 et force d’appoint au sein du gouvernement, est également éclaboussé par le scandale. Son chef, Bjarni Benediktsson, ministre des Finances, est lui aussi cité dans les « Pa­nama papers », de même que la ministre de l’Intérieur, Olöf Nordal, et d’actuels ou anciens conseillers municipaux de la capitale appartenant à la même formation…

Pour bon nombre d’Islandais, la mention de ces responsables dans ces documents confidentiels est la goutte de trop. Quelque 600 ressortissants de l’île de l’Atlantique Nord y seraient listés, d’après les médias locaux. « Quand je vois le Premier ministre de notre pays faire la une des journaux du monde entier aux côtés de toutes ces canailles… » lâche Thorvaldur Gudlaugsson, un graphiste, qui a manifesté lundi à Reykjavik.

Le scandale des « Panama pa­pers » « perturbe le processus de réconciliation morale et politique qui était en cours » depuis quelques années, estime le politologue Birgir Guðmundsson, à l’université d’Akureyri, dans le nord de l’île. Le Premier ministre, lui, est resté sur la même ligne de défense depuis le début de l’affaire. « Ma femme a toujours payé ses impôts. Depuis que j’ai des responsabilités politiques, elle a évité tout risque de conflit d’intérêts en n’investissant pas dans des sociétés présentes en Islande », a-t-il expliqué lundi à l’agence Reuters.

De telles explications, note Birgir Guðmundsson, «sont jugées irrecevables par le public ». Lequel voudrait un renouvellement de la classe politique. D’où la très forte cote de popularité (plus de 35 % d’opinions favorables) du Parti pirate, une formation alternative souvent perçue ailleurs en Europe comme peu crédible et axée uniquement sur les questions liées à Internet.

Le Premier ministre, lui, veut croire que les électeurs lui sauront gré de l’amélioration de la situation économique. L’Islande s’est en bonne partie tirée de la tempête financière de 2008, dont elle fut la première victime dans la foulée de la faillite de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers. La couronne islandaise, qui avait chuté de près de 50 %, a retrouvé un certain équilibre. Le prêt d’urgence (2,1 milliards) voté par le FMI – son premier programme d’aide à un pays occidental depuis 1976 – a été remboursé. Et si le contrôle des capitaux n’a pas encore été levé, ce qui handicape surtout les entreprises, le taux de chômage a chuté sous les 5 %  de la population active..