samedi 28 novembre 2015

MOTS POUR MON PÈRE

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 ALEJANDRO MUTARELLO LORS DE SON 90ÈME ANNIVERSAIRE 

Nous voici à nouveau réunis pour rendre hommage à l’un de nos amis, mari et père.  Ceci exige de nous un très grand effort car en dehors de trois autres amis partis récemment, ces derniers jours nous en avons également perdu d’autres au cours des terribles événements que tout le monde connaît.

par Gilda Mutarello

Alexandre, tu étais un homme de conviction, dès l’âge de 17 ans tu as compris la misère humaine et l’injustice et tu as voulu la combattre.  Tu as eu une vie ni simple ni tranquille, mais remplie de beaucoup d’expériences et de rencontres entre trois continents.
Une vie marquée par l'humanisme, le partage de ton amour et de ton amitié, le dévouement, mais aussi par le goût d’un risque pour sauver tes compagnons, ainsi que l'écoute des autres.  Tu a franchi beaucoup d’obstacles et triomphé des difficultés et pour y parvenir, tu n’as pas ménagé tes efforts jusqu’au bout.

Ton activité de militant et associatif témoigne de ton esprit collectif et de ton dévouement pour les autres.
Tu étais aussi mari, père, grand père, arrière grand père, artiste peintre amateur, musicien amateur, écrivain, voyageur.

Parfois tu pouvais sembler distant voir froid mais c’était ton côté réservé, tu étais moqueur, moraliste, avais un humour qui pouvait être confondu pour de l’ironie ou du sarcasme et très gourmand de gâteux et de chocolat. Cependant tu étais aussi un homme intègre, droit et rigoureux. 

On me dit que j’ai hérité de toi de nombreux traits de caractère, que tu as du hériter de ton père qui s’était engagé comme pompier et a été un des fondateurs de la caserne de pompiers Croates dans la ville de Calama.  Les pompiers au Chili sont des bénévoles qui exercent leur labeur de sauvetage en dehors de leur activité professionnelle.

Ton engagement contre les injustices, la cruauté, la xénophobie, je l’ai très tôt compris et fait mien, les valeurs que tu m’a inculquées avec Maman sont profondément ancrées en moi et ont crée un savant mélange de carburant dans ma vie.

Je voudrais te dire, ces quelques mots qui seront sans doute trop faibles, combien je suis fière d'être ta fille.  Tu m'as accompagné avec Maman dans mes doutes, mes échecs et mes réussites.

Malgré la grande tristesse que nous inflige ton départ, nous sommes soulagées que tu ne souffres plus, durant ces dernières années tu t’es beaucoup battu contre la maladie, et les derniers mois ont été assez durs pour toi et aussi pour nous.  Aujourd’hui nous te savons en paix.

Tu as été rejoindre le club de copains équilibrant ainsi les choses : quatre révolutionnaires, dont deux fêtards René et Leonel et deux têtes brûlés Jacques et toi.  Quatre hommes qui ont connu les sombres conséquences de la bêtise et la cruauté humaine mais qui ont résisté et nous laissent un héritage et un exemple à suivre.

Mais il vaut mieux se souvenir de quelques anecdotes qui illustrent mieux qui tu étais, par exemple celles ou :

- Grand blagueur, lorsqu’on était a table et qu’un ami arrivai, tu disais : « oh la la, qu’on range le pain, qu’on ramène la casserole », tu le disais d’une façon tellement sérieuse que plusieurs d’entre eux se sont fait avoir et ne savaient pas quoi dire ni faire. 

- Lorsque quelqu’un partageait notre table, tu n'étais pas tranquille tant que cet invité ou les invités n’aient pas mangé tout ce qui avait été préparé jusqu’au chocolat que tu gardais pour le café ou le thé.

- Lorsque j’étais plus jeune tu partais avec moi à Paris sous prétexte d’une promenade avec ta fille, mais c’était aussi pour manger des gâteux, jusqu’à ce que j’ai en eu marre, car ils me rendaient malade et que je te dise que je ne voulais plus en manger. Promenade oui mais plus de gâteaux.

Puis combien de soirées ou de moment où l’on pouffait de rire tous les deux ou avec mes frères de tes pitreries et moqueries.   Combien d’amis ont pâti de celles-ci avant de bien sûr, les partager.  

Des moments où l’on n’était pas d’accord tout les deux, et dont chacun campait sur ces positions mais trouvant finalement out un compromis.  Des soirées à refaire le monde, a partager des moments où l’on se fâchait ensemble d’horreurs qui survenaient aux quatre coins du monde.

Bien sur il y a tellement d’autres, mais je m’arrête là pour aujourd’hui.

Toi qui avait une grande aversion pour la couleur noire, on te rassure, Maman a tenu sa promesse de s’habiller aujourd’hui avec d’autres teintes et moi qui suis régulièrement habillée  de cette  couleur, ai fait en sorte de te faire plaisir.

Je tiens à remercier mes amis Bamiléké avec lesquels je partage depuis quelques années mon travail de doctorat, mais aussi une belle amitié. Ils n’ont pas connu mon père, mais ils s’enquerraient régulièrement de son état. Leurs massages de condoléances nous ont beaucoup touché maman et moi. 

Nous avons une très grande pensée pour tous ceux qui ont perdu la vie et ceux qui ont été blessés ces derniers jours ainsi que pour leurs familles.  Nos amies Patricia et Elsa étaient au Bataclan et laissent leurs familles dans un profond désarroi et grande tristesse, nous partageons leur douleur.
Nous tenons à remercier l’équipe de St François de l’avoir accompagné jusqu’à la  fin de sa vie et qui était là dans les moments difficiles, ainsi que les membres de familles d’autres pensionnaires. De même que son médecin, le Dr. Gauthier qui en dehors de ses compétences professionnelles lui a consacré du temps et avait une attention toute particulière pour lui.

Nous désirons exprimer notre plus grande reconnaissance à tous les amis de Fontenay qui nous ont accompagné au long de toutes ces années et avec lesquels on a partagé beaucoup, beaucoup de choses tristes et heureuses, des expériences fortes et une belle amitié. 

Enfin nous tenons à  vous remercier vous tous pour votre présence, votre affection, votre soutien, et de votre grande amitié. Soyez de tout cœur remerciés.