samedi 28 novembre 2015

LA JUSTICE MILITAIRE DU CHILI VIOLE LE SECRET DES SOURCES DANS UNE AFFAIRE DE DÉTOURNEMENTS DE FONDS PUBLICS

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MAURICIO EST LE FILS  AÎNÉ DE JOSÉ WEIBEL,
DÉTENU DISPARU EN 1976 AU CHILI
Le journaliste et auteur du reportage, Mauricio Weibel Barahona, le propriétaire et représentant légal de The Clinic, Pablo Dittborn, le directeur de la publication, Patricio Fernández et l’éditrice du journal Andrea Moletto ont été convoqués par le juge militaire Rodrigo Acevedo en charge d’enquêter sur ces fuites.

Au Chili, depuis 2011, la justice militaire n’est pourtant pas habilitée à enquêter sur des cas impliquant des civils, et ne doit en théorie traiter que de dossiers directement liés à l’armée. Selon la version officielle, ces quatre protagonistes étaient donc simplement entendus comme témoins, mais en réalité ils ont été incités à dévoiler leurs sources. Ce secret des sources est pourtant garanti par la loi sur la presse chilienne (Ley de Prensa) et par les résolutions sur le sujet de la Cour inter-américaine des droits de l’homme (CIDH), que l’Etat chilien a obligation de respecter.

“Cette violation du secret des sources et cette tentative d’intimidation de la part de la justice militaire chilienne est intolérable, il s’agit d’une grave atteinte à la liberté de la presse et à la démocratie au Chili, déclare Emmanuel Colombié, chef du bureau Amérique latine de Reporters sans frontières. Nous appelons les autorités chiliennes à respecter la loi sur la presse et leurs engagements internationaux.”

L’affaire dite du Milicogate a été rendue publique dans le cadre d’une série de reportages réalisés par Mauricio Weibel et publiés dans The Clinic en aout 2015.

Ces reportages ont révélé l’existence d’une grande opération de détournement de fonds publics, opérée par des officiels et des membres de l’armée chilienne, entre 2010 et 2014. Le montant de la fraude atteindrait plusieurs millions de dollars et l’argent détourné aurait servi à financer des voyages, des fêtes, l’achat de chevaux ou encore des virées dans des casinos.

Jusqu’ici, le gouvernement chilien est resté très discret et ne s’est pas prononcé publiquement sur ce scandale de corruption ni sur les méthodes utilisées par la justice militaire pour tenter d’étouffer l’affaire. Un silence préoccupant d’autant que c’est la première fois dans le pays que la justice militaire procède à ce genre d’interrogatoire de journalistes depuis la fin de la dictature.

En 2012 et 2013, Mauricio Weibel avait déjà été placé sous protection policière après avoir dévoilé dans un livre des archives secrètes sur la dictature militaire au Chili (1973-1990). Il avait à l’époque reçu de nombreuses menaces, sa maison avait été cambriolée et son matériel professionnel dérobé..