mardi 27 octobre 2015

LA SOLUTION FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE, C’EST L’ADAPTATION

LES « MOAIS » DE LA PLAGE D'ANAKENA, SUR L'ÎLE DE PÂQUES. PHOTO PATRICK BARD

Le destin tragique du peuple qui a habité l’île de Pâques, au Chili, avant l’arrivée des Européens au XVIIIe siècle, illustre ce scénario sinistre.

C’est vers 1200 qu’un petit groupe de Polynésiens ont débarqué sur cette île située à quelque 4 000 km de Tahiti. Elle était alors couverte de dizaines de millions de hauts arbres, certains atteignant les 30 mètres de haut. Ces gens étaient des fermiers qui pratiquaient l’agriculture sur brûlis. Ils ont abattu les arbres, les ont brûlés, ouvrant ainsi de grands espaces pour leurs cultures. Ils se sont multipliés, de telle sorte que, bientôt, il y a eu trop de gens, et plus d’arbres du tout. La société s’est effondrée au XVIe siècle, le coup de grâce a été donné avec l’arrivée des Européens, deux siècles plus tard.

Les rats responsables

COUVERTURE«  EFFONDREMENT» 
Comme l’écrit l’écologue américain Jared Diamond, qui raconte cet « écocide » dans son best-seller Effondrement (Gallimard, 2009), l’île de Pâques « est l’exemple le plus frappant d’une société qui a été responsable de sa propre extinction, en surexploitant les ressources dont elle disposait ». Il conclut que ce destin pourrait bien, un jour, être le nôtre.

Le livre récent de deux archéologues de l’université d’Hawaï (Terry Hunt et Carl Lipo, The Statues that Walked : Unraveling the Mystery of Easter Island, « Les statues qui marchaient : révélation sur le mystère de l’île de Pâques », Free Press, 2011) revient, cependant, sur cette histoire convenue. Les auteurs pensent que leur contre-histoire donne des raisons d’espérer : ce qui s’est vraiment passé serait en fait une « success story » de défi et d’adaptation.

Les arbres ont disparu, la chose est certaine. Cependant, ce ne sont pas les hommes qui en ont été les responsables, mais les rats. Ceux-ci ont voyagé sur les mêmes canoës que les hommes, ont accosté comme eux et, une fois sur place, se sont reproduits à une vitesse fulgurante : aucun prédateur, et un festin de racines de palmiers.

L’écosystème de l’île en a été bouleversé, les plantes, les oiseaux ont disparu à leur tour. Il n’y avait plus de bois pour construire des canoës, donc plus de pêche en haute mer. Les choix alimentaires se sont restreints sans, pour autant, menacer la population de famine : il restait… les rats.

Capacité de survie

La société a disparu avec ses divinités. On a cessé de construire ces gigantesques monolithes dont la plupart sont mystérieusement tournés vers l’intérieur de l’île. C’est en raison de cette capacité de survie et d’adaptation que les auteurs du livre parlent de réussite. En effet, cette histoire montre, une fois de plus, l’incroyable capacité des êtres humains à s’acclimater aux pires conditions de misère et d’oppression.

Mais « est-ce ainsi que les hommes vivent ? », chantait Léo Ferré sur un poème d’Aragon. Lorsqu’il n’y aura plus de neige dans les Alpes, Thomas Mann apparaîtra comme un auteur exotique. Lorsque les séquoias géants et multimillénaires de la Californie auront disparu, privés du brouillard nourricier qui monte de l’océan chaque matin, on ne comprendra plus les émois d’un Jack Kerouac ou d’un Henry Miller. C’est, alors, que nous nous serons adaptés.