lundi 24 août 2015

LE CUIVRE PLONGE, LE CHILI ET LE PÉROU S'INQUIÈTENT

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PHOTO AGENCIA UNO
Le cours du métal rouge a plongé cette année de plus de 22%, aiguisant les craintes d'un ralentissement plus prononcé en Chine, jusqu'ici premier consommateur de la planète.

Après avoir importé d'énormes quantités de cuivre pour alimenter son processus d'urbanisation, le géant asiatique est aujourd'hui moins friand.

"Depuis juillet, les prix des matières premières dans le monde se sont figés en raison des perspectives réduites de la consommation de matières premières par la Chine", explique à l'AFP Gustavo Lagos, professeur à l'Université catholique du Chili.

"La Chine aborde désormais une étape fondée sur la consommation intérieure et abandonne son modèle de développement fondé sur l'investissement, ce qui impliquait de grandes infrastructures. Tout est déjà construit et ce qui sera nécessaire à l'avenir est minime par rapport à ce qui s'est construit ces 10 dernières années", ajoute-t-il.

Dans ce contexte, le prix du cuivre n'est pas prêt de rebondir avant au moins deux ans, selon des analystes.

"La fourchette de prix pour les trois prochains trimestres oscille entre 4.600 et 6.000 dollars la tonne (2,08 à 2,72 dollars la livre)", précise Juan Carlos Guajardo, directeur du centre spécialisé Plusmining.

En 2011, en plein boom des matières premières, son cours dépassait les 4,5 dollars la livre.

L'impact de ce changement de tendance est particulièrement fort pour les économies du Chili et du Pérou, très dépendantes des exportations de métal rouge, qui apporte 10,8% du PIB chilien et 50% des exportations de minéraux du Pérou, dont 14,4% du PIB vient du secteur mines-hydrocarbures.

Avec près d'un tiers de l'offre mondiale - 5,7 millions de tonnes par an -, le Chili est le plus grand producteur de cuivre au monde : la chute de son cours a entraîné une dévaluation de sa monnaie, le peso, qui a atteint sa valeur la plus faible de ces 12 dernières années.

Elle a aussi douché les espoirs d'une reprise rapide de l'économie locale, dont la croissance n'a été que de 1,9% en 2014, son plus bas niveau en cinq 

ans, et devrait être de 2,5% cette année selon les économistes.

ESPOIR DE JOURS MEILLEURS

"Les pressions que le cuivre a exercées sur l'économie chilienne devraient se maintenir durant la seconde moitié de l'année", prévient Paul Basso, analyste de marché chez Capital FX.

"L'impact sur le Chili, c'est que plus de 50% des entreprises n'auront pas de bénéfices cette année, avec des conséquences pour le fisc", ajoute Gustavo Lagos.

Son voisin andin, le Pérou, est le troisième fournisseur mondial selon la commission chilienne du cuivre, produisant 1,3 million de tonnes en 2014.

Lui aussi a connu en 2014 sa plus basse croissance en cinq ans, à 2,35%, le gouvernement tablant sur environ 3% en 2015. Les experts ne cachent pas leurs inquiétudes.

"Le Pérou est encore très dépendant de ses matières premières et cela va nous affecter. Nos investissements sont déjà touchés", explique Carlos Herrera Descalzi, ancien ministre de l'Energie et des Mines.

Les entreprises du cuivre, publiques ou privées, sont évidemment à la peine.

Le géant public chilien Codelco, plus grand producteur de métal avec 11% de l'offre mondiale, doit relever le défi de rester à flot et mener à bien son plan d'investissement historique de 25 milliards de dollars jusqu'en 2019.

En 2014, son bénéfice net avait chuté de 22%, provoquant une réduction de 7,8% de ses coûts cette année-là, avant un nouveau plan d'économies de 1 md USD début 2015.

"Codelco possède un fonds de clientèle très stable. Nous croyons que, comme fournisseurs, nous resterons les préférés des acheteurs, malgré la diminution de la consommation", assure Gerhard von Borries, vice-président en charge des projets du groupe.

Pour Gustavo Lagos, le secteur tentera de patienter dans l'espoir de jours meilleurs : "Les entreprises ou les grandes mines ne vont pas fermer" maintenant malgré la baisse, "parce que, après la hausse des prix attendue pour 2018, ils devraient ouvrir à nouveau. Cela reviendrait trop cher de fermer maintenant et de rouvrir dans trois ans".