samedi 8 novembre 2014

CHILI : L’HEURE DE VÉRITÉ POUR MICHELLE BACHELET

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L'AMBASSADEUR DU CHILI EN FRANCE, ACCOMPAGNÉ DU MINISTRE DE L'ÉDUCATION NICOLÁS EYZAGUIRRE FURENT REÇUS PAR LA MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE NAJAT VALLAUD-BELKACEM, LE JEUDI 6 NOVEMBRE 2014 À PARIS

Cependant, à l’heure de réformer un domaine aussi sensible, les résistances se réveillent. Désormais, ce sont les parents d’élèves qui descendent dans la rue, pour s’opposer à la réforme de l’école privée, largement subventionnée par des fonds publics. A les entendre, la nouvelle loi, qui interdit les bénéfices et oblige à réinvestir, provoquerait la fermeture de 4 000 établissements. « C’est faux, rétorque le ministre Eyzaguirre. Une phase de transition de cinq ans permet de négocier les aménagements et d’amortir l’investissement. »

La droite disposée à surfer sur la peur des familles

Du coup, c’est l’extrême gauche qui crie au scandale. Elle aurait souhaité des peines de prison pour les propriétaires d’établissements qui oseraient faire du profit. Dans les organisations de lycéens et d’étudiants, socialistes et communistes sont minoritaires, doublés par une gauche plus radicale. «Les députés issus du mouvement étudiant ont voté la loi à 98 % », se console M. Eyzaguirre, lui-même un ancien communiste devenu social-démocrate.

La réforme suppose une remise à niveau des enseignants, par une formation continue encore inexistante. Or les syndicats, où les communistes sont majoritaires, veulent voir leurs anciennes revendications satisfaites avant de s’engager davantage. Ils se sont d’ailleurs mis en grève.

Toutefois, à entendre le ministre, le danger principal viendrait de la droite, disposée à se refaire une santé en surfant sur la peur des familles. « Nous voulons tous assurer le bonheur de nos enfants, admet le ministre. La réforme vise à réduire les inégalités et donc à augmenter la mixité sociale. Or la peur atavique face aux élèves différents déstabilise les parents. »

Une question d’équité, mais aussi une nécessité économique

M. Eyzaguirre espère néanmoins convaincre une partie de la droite de la nécessité d’améliorer la qualité de l’enseignement. « Je suis tout à fait favorable à l’économie de marché, explique-t-il, mais je suis convaincu qu’on ne peut pas laisser le marché maîtriser la formation de nos enfants. L’inégalité des chances plombe nos capacités. C’est comme si le sélectionneur d’une équipe de football était condamné à choisir ses joueurs uniquement dans 5 % de la population, la couche la plus riche de la société : on y perdrait tous. »

Ancien ministre des finances (2000-2006), ex-directeur du Fonds monétaire international, M. Eyzaguirre croit que la réforme de l’éducation n’est pas seulement une question d’équité, mais aussi une nécessité économique. « Sans une jeunesse mieux qualifiée, nous ne serons pas compétitifs ni capables de diversifier nos exportations. Nous n’aurons pas de développement durable et resterons piégés par ce revenu moyen qui ne permet pas à tant de pays de décoller. »

Le Chili fait partie de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE), dont l’expertise en matière d’éducation est reconnue. Ce « club des riches » a été utile, estime le ministre Eyzaguirre : « Par rapport à l’Amérique latine, nos indicateurs sont excellents, mais la comparaison avec les pays de l’OCDE nous a permis de mieux mesurer nos carences.»

Michelle Bachelet a réussi à faire adopter en peu de temps la réforme fiscale pour financer son projet éducatif (1,1 milliard d’euros par an). L’éducation s’avère un chantier autrement laborieux. « La réforme des universités sera beaucoup plus compliquée », avoue M. Eyzaguirre. Mercredi, la nouvelle direction de la Fédération des étudiants du Chili a dénoncé tout changement qui se ferait sans elle.