dimanche 12 octobre 2014

LA POPULARITÉ INOXYDABLE D’EVO MORALES

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UNE FEMME MARCHE EN FACE D'UNE PEINTURE MURALE
À EL ALTO, LA PAZ EN BOLIVIE. PHOTO JUAN KARITA 
ancien producteur de coca d’origine aymara, Evo Morales Ayma est le premier président syndicaliste et indigène de Bolivie. Après son impressionnante victoire au premier tour de l’élection en 2005 avec près de 54 % des voix, beaucoup se demandaient comment le dirigeant socialiste allait s’en sortir à la tête d’un pays convulsé qui avait vu se succéder deux présidents cette même année. Neuf ans plus tard, Evo Morales a non seulement largement été réélu en 2009, mais il brigue un troisième mandat à la tête d’un pays en pleine croissance, jouissant d’une relative paix sociale.
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LE TÉLÉPHÉRIQUE QUI UNIT EL ALTO Y LA PAZ. PHOTO MARTIN ALIPAZ 

« GRAND CONSTRUCTEUR »

« Il y a toujours des conflits dans différents secteurs, mais ils ne remettent pas en cause l’hégémonie du gouvernement », précise le politologue et spécialiste du MAS, Hervé Do Alto. Crédité de plus de 57 % des intentions de vote selon les derniers sondages, M. Morales devancerait dimanche de plus de 40 points l’entrepreneur centriste Samuel Doria Media, son adversaire le plus sérieux. Un taux d’approbation faisant de lui l’un des chefs d’Etat les plus populaires d’Amérique latine.

Les raisons de cette popularité sont nombreuses. Pour Pablo Stefanoni, journaliste argentin et ancien conseiller du dirigeant socialise, « Evo Morales a gardé son aura de chef populaire » et reste le « représentant d’un renouvellement de l’élite ». Depuis son arrivée au pouvoir, « l’Etat a fait une place aux indigènes et aux paysans, ce qui n’avait jamais été le cas avant », insiste Pablo Stefanoni.

« Il est des nôtres, c’est un président qui est fier de ses origines », salue Clemente Paco, un agriculteur de la province d’Ingavi, venu mercredi à El Alto. « Beaucoup de Boliviens se sentent représentés par le président », souligne à son tour le sociologue George Komadina, qui rappelle aussi la reconnaissance internationale dont jouit Evo Morales.


« Les gens voient en Evo Morales un grand constructeur »
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EVO MORALES SOUTIENT UN LINGOT DE PLOMB LE 10 SEPTEMBRE
2014 À
 POTOSÍ (BOLIVIE). PHOTO DAVID MERCADO
Au charisme et à l’intelligence politique du président Morales s’ajoutent les bons résultats économiques depuis 2006. En huit ans, le PIB a été multiplié par trois et le taux d’extrême pauvreté est passé de 38 % à 21 % en 2012. La loi de nationalisation de 2006, conjuguée à une hausse du prix des matières premières (pétrole, gaz, mais aussi étain), a permis à l’Etat d’augmenter les dépenses publiques au profit des plus pauvres. « Cet argent a été redistribué de manière habile dans les secteurs les plus fragiles de la société », explique George Komadina.

Le gouvernement a mis en place des bons d’aide aux personnes âgées et aux enfants scolarisés. Il a construit des écoles, des hôpitaux ou des terrains de jeux. « Résultat, les gens voient en Evo Morales un grand constructeur », analyse M.Komadina. « Dans notre région, il a fait goudronner les routes, a installé le système d’égouts et financé des tracteurs », remercie l’agriculteur Martin Mamani, de la province d’Aromas.

« ENFIN DE LA STABILITÉ »

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EVO MORALES EN COSTUME TRADITIONNEL
L’absence d’opposition, faute d’union, ouvre la voie à la victoire annoncée d’Evo Morales, qui, depuis 2009, a gagné le soutien de la population de la riche région de Santa Cruz et des entrepreneurs, qui lui étaient pourtant farouchement opposés dans un premier temps. « Ils ont choisi d’être pragmatiques et de négocier », constate Pablo Stefanoni, qui estime «qu’en plein boom économique, ils n’avaient aucun intérêt à continuer de s’opposer au gouvernement ».

Le système de pouvoir mis en place par Evo Morales n’est pas exempt de critiques, notamment dans le domaine de la justice, trop souvent mise au service de l’exécutif. « La corruption au sein des institutions a aussi été dénoncée mais très peu sanctionnée », note George Komadina, dénonçant un « hyper-présidentialisme » alors que le MAS, qui regroupe la majorité des mouvements sociaux, concentre tous les pouvoirs.

Evo Morales a aussi été très critiqué en 2013 pour avoir décidé de la construction d’une route traversant le parc naturel du Tipnis, aux dépens de communautés amazoniennes. Ce projet a entraîné une cassure au sein des peuples indigènes et poussé Fernando Vargas à se présenter pour le Parti vert de Bolivie, mais il est crédité d’à peine 1 % des intentions de vote. « Moi, je ne trouve pas sain de ne pas avoir plus d’opposants ou de projets d’alternance dans une démocratie », indique un fonctionnaire qui refuse de dire son nom. Peu convaincu par le gouvernement, ce jeune père de famille votera toutefois pour Evo Morales dimanche, « car le plus important pour un pays est qu’il soit stable, qu’il y ait de la continuité. Et, avec ce gouvernement, admet-il, nous avons enfin cette stabilité. »

Chrystelle Barbier (La Paz, envoyée spéciale) 
Journaliste au Monde