lundi 1 septembre 2014

« MAINTENANT, JE PEUX MOURIR TRANQUILLE... »

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L'HEURE DE LA JUSTICE, ENFIN, POUR LES 14 MEMBRES DE L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS À SANTIAGO ASSASSINÉS PAR LES SBIRES DE PINOCHET. PARMI EUX, HUMBERTO MÉNANTEAU (2ÈME PHOTO DE LA 4ÈME COLONNE).  
C'est par un émouvant courriel que Yazmin Menanteau, Dacoise depuis qu'elle a quitté Niort il y a une dizaine d'années, vient se rappeler au bon souvenir de La Nouvelle République.

La grande nouvelle qu'elle tient ainsi à nous faire partager, c'est un heureux épilogue. Celui de l'opiniâtre combat qu'elle n'a cessé de mener depuis la mort, en 1975, de son mari Humberto, emprisonné durant un an, torturé puis finalement liquidé comme treize autres camarades par les nervis du tristement célèbre dictateur chilien Augusto Pinochet.

« Je retrouve enfin une paix intérieure forte…  »

Cette stratégie d'extermination à grande échelle de tous les militants d'extrême gauche avait été engagée dans le cadre du Plan Condor conclu par tous les dictateurs qui sévissaient alors non seulement au Chili mais aussi en Argentine, en Uruguay ou au Paraguay. Yazmin avait alors 18 ans et Humberto 24. Tous deux étudiants, ils militaient au sein du MIR, le mouvement de la gauche révolutionnaire né à l'université de Santiago du Chili. Pas des terroristes, mais « de jeunes gauchistes un peu rêveurs », se souvient Yazmin Ménanteau. Après l'assassinat de son mari et de ses amis, comme beaucoup d'autres, l'étudiante chilienne a rejoint la France. A l'hiver 1975, elle a été accueillie au centre d'accueil pour réfugiés de Cerizay avant de rejoindre Niort où elle a passé un an avant d'aller poursuivre ses études et apprendre le français à Bordeaux où elle a pu retrouver ses frères, réfugiés comme elle. Hasard du destin, elle reviendra quelques années plus tard à Niort, une ville qui comptait alors une forte communauté chilienne, pour y prendre un poste de professeur d'espagnol au lycée Saint-André.

Représentante pour le Poitou-Charentes d'une association d'ex-prisonniers politiques chiliens en France, le 14 mai 2004, Yazmin Menanteau avait été conviée à la mairie de Paris où étaient présentés les résultats d'une vaste enquête sur les exterminations du Plan Condor.

Dans la NR, qui avait alors raconté sa dramatique histoire, elle ne cachait pas alors l'espoir de l'association que tous ces témoignages accablants puissent un jour déboucher sur le procès des criminels qui vivaient encore en toute quiétude dans leurs pays.

La réclusion à perpétuité, enfin…

Yazmin Ménanteau aura donc dû attendre encore dix ans pour que ce jour-là arrive. « Le 21 juin, la cour d'appel de Santiago a condamné à la réclusion à perpétuité les principaux responsables de l'assassinat de mon mari, dont le sinistre directeur de la Dina, la police secrète de Pinochet, tient-elle à nous faire savoir. Ce jugement qui rend justice à mon mari et treize autres de nos camarades, déclarés encore, à ce jour, comme disparus, est d'une importance capitale pour notre combat. Je suis certaine que tous mes amis niortais seront contents d'apprendre que mon travail pour la justice a abouti et que je retrouve enfin une paix intérieure forte ».

nr.niort@nrco.fr

en savoir plus

  • Mémorial. La faculté des Arts de Santiago, anciennement école des Beaux-Arts, où son mari avait été étudiant pendant quatre ans, a inauguré un mémorial l'an passé en hommage aux quatorze « companieros des Bellas Artes de Santiago » tous victimes des basses œuvres de la dictature, dont Victor Jara, un ami très proche d'Humberto Ménanteau.


  • Livre. En novembre prochain, la même faculté va publier un livre consacré à la vie et aux œuvres de tous ces artistes exécutés par la junte. « J'avais rêvé de tout cela, je suis comblée », confie Yazmin Ménanteau ravie de cette reconnaissance posthume.


  • Hasard. Ménanteau, le nom qu'a donné Humberteau à Yazmin en l'épousant, sonne étrangement français. Français et même poitevin… C'est là le fruit d'un hasard des plus singuliers : le grand-père de son mari, d'origine française, avait émigré au Chili aux XIXe  siècle après avoir quitté sa terre natale… les Deux-Sèvres !


  • Contact de Yazmin Ménanteau à Dax où elle vit aujourd'hui : yazmin.menanteau@free.fr


Fabien Bonnet