mardi 1 avril 2014

L’IMPLICATION DES ÉTATS-UNIS DANS LE COUP D’ÉTAT AU BRÉSIL EN 1964

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LA RÉPRESSION QUI A SUIVIE  LE COUP D'ÉTAT MILITAIRE 
ET LA COUVERTURE D'« O GLOBO » 
DE LA JOURNÉE DU 2 AVRIL 1964 

L’intervention de Washington dans le coup d’état contre le président brésilien João Goulart avait été déjà dénoncée. Mais cela a été confirmé hier par un document auquel un historien de l’Université de Rio de Janeiro a accédé.

Les États-Unis ont aidé les militaires et politiques putschistes qui ont renversé l’ex président brésilien Joao Goulart, en 1964. Pendant des décennies seuls les militants et des dirigeants de gauche ont eu le courage de l’affirmer. Toutefois, hier cela est devenu une vérité incontestable et une nouvelle ombre dans la relation entre Washington et l’Amérique latine.

Hier l’historien de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro Carlos Fico a rendu publics les documents qu’il a découverts dans des archives à Washington et qui confirment la participation de l’ambassade américaine et du Département d’État dans le putsch militaire.

Comme l’a publié le journal o Globo, l’ambassadeur américain d’alors, Lincoln Gordon, a rédigé un rapport intitulé « un plan d’éventualité pour le Brésil »  fin 1963, où il posait de possibles scénarios politiques. D’une part, Gordon décrivait le risque d’une révolte « d’extrême gauche »  et, aussi, d’une « intervention communiste »  dans le pays avec l’appui l’Union Soviétique et de Cuba. D’un autre côté, le diplomate exposait la possibilité que Goulart « serait convaincu »  de laisser le pouvoir via des forces « contraignantes » . À sa place, avançait-il, le président de la Chambre de Députés, Ranieri Mazilli assumerait le pouvoir.



Trois mois et demi après que Gordon ait envoyé ce rapport au conseiller de sécurité nationale de la Maison Blanche de l’époque, un coup d’État au Brésil a explosé.




Joao Goulart, disciple de Getulio Vargas, avec JFK - 43.7 ko

Joao Goulart, disciple de Getulio Vargas, avec JFK



L’histoire est connue. Après deux jours de soulèvements, mille de soldats ont pris Rio de Janeiro à l’aube du 2 avril, tandis que le président du Congrès était préparé à annoncer qui Goulart avait laissé la Présidence et que celle-ci serait occupée par Mazilli. Le mandataire, un partisan de l’ex président Getulio Vargas, n’a pas offert de résistance aux Forces Armées et s’est exilé en Argentine, où il est resté jusqu’à son décès, en 1976.




Il est hypothétiquement décédé d’un arrêt cardiaque, bien qu’on n’ait jamais écarté la possibilité qu’il ait été assassiné par le gouvernement militaire argentin, dans le cadre du Plan Condor. Deux semaines après le coup de 1964, la présidence a été assurée par le chef de l’État Mayor de l’Armée, Castello Branco, marquant le début de vingt ans de dictature.




M. Fico a souligné que le putsch de 1964 a été effectué en suivant des directives très semblables à celles proposées par Gordon dans son rapport de l’année précédente. Ceci pourrait démontrer, a affirmé l’historien, qu’il y a eu une conspiration conjointe qui incluait, au moins, des chefs militaires brésiliens et le gouvernement étasunien. Sur l’aide de Washington dans les jours suivants le coup d’État, en revanche, il n’y a déjà pas de doutes.




L’historien a aussi trouvé un télégramme envoyé depuis le Département d’État à Gordon le jour même où les militaires se sont soulevés contre le gouvernement Goulart. Dans celui-ci, on détaillait l’aide qu’on enverrait aux forces putschistes : quatre navires pétroliers, un porte-avions, six bâtiments de guerre, 110 tonnes de munitions et du gaz lacrymogènes pour contrôler les multitudes, dix avions de charge, six de guerre et six de ravitaillement.




Washington a toujours nié sa participation au coup d’Etat. Il y a seulement trois ans la presse brésilienne a demandé à nouveau à l’ex ambassadeur Gordon s’il avait été dans une certaine mesure, l’instigateur du coup d’Etat contre Goulart. « La participation active a été absolument nulle » , a réitéré une fois de plus le diplomate.




Ce qui est frappant c’est que le Département d’État ne s’est pas beaucoup efforcé à maintenir le secret. L’historien s’est montré surpris, puisque les documents qui ont démasqué des décennies de mensonges étaient gardés dans un dossier public, au milieu de documents de routine.




Avec la chute de Goulart a commencé une dictature qui a duré jusqu’en 1985. Celle-ci fut une des périodes les plus néfastes mais aussi une de moins étudiées de l’histoire brésilienne. Récemment durant les dernières années et avec le gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva on a commencé à ouvrir certaines des archives secrètes de l’État brésilien.




On n’a jamais su combien des personnes sont mortes, ni comment elles ont été assassinés, dans la majorité des cas. Les chiffres ne seront certainement pas très élevés comme ce fut le cas pour la dernière dictature argentine. Cependant, les méthodes utilisées ont été les mêmes : censure, torture et terrorisme.




Documents déclassifiées :


LYNDON B. JOHNSON AU TÉLÉPHONE.
PHOTO  YOICHI OKAMOTO

I) Document audio de la Maison Blanche, le président Lyndon B. Johnson discute de l’imminent coup d’État au Brésil avec le sous-secrétaire George Ball, 31 mars 1964.





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CASSETTE AUDIO DÉCLASSIFIÉE : DOCUMENT AUDIO DE LA MAISON BLANCHE, 
LE PRÉSIDENT LYNDON B. JOHNSON DISCUTE DE L’IMMINENT 
COUP D’ETAT AU BRÉSIL AVEC LE SOUS-SECRÉTAIRE GEORGE BALL,
 31 MARS 1964. 
SOURCE THE NATIONAL SECURITY ARCHIVE - 
GEORGE WASHINGTON UNIVERSITY 
DURÉE : 00:05:08
Dans cette bande de 5 :08 minutes de la Maison Blanche obtenue de la Bibliothèque Lyndon Baines Johnson, le président Johnson a une conversation téléphonique depuis son ranch de Texas avec le Sous-secrétaire d’Etat George Ball et le secrétaire pour l’Amérique Latine, Thomas Mann. Ball résume à Johnson l’état de mouvements militaires au Brésil pour renverser le gouvernement de Joao Goulart qui selon l’avis de fonctionnaires des Etats-Unis est un gauchiste très lié au Parti communiste brésilien. Johnson donne à Ball le feu vert pour soutenir activement le coup d’ Etat si l’appui des Etats-Unis est nécessaire.


L’ambassadeur Lincoln Gordon a écrit ce très long câble, en cinq parties, aux plus hauts fonctionnaires de la Sécurité Nationale du gouvernement des Etats-Unis, y compris au directeur de la CIA Juan McCone et aux secrétaires de la Défense et d’État, Robert McNamara et Dean Rusk. Il fournit une charge étant donné que le président Goulart travaille avec le parti communiste brésilien « Mesure du pouvoir dictatorial »  et propulse les Etats Unis à soutenir les forces de général Castello Branco. Gordon recommande « une livraison clandestine d’armes »  pour les partisans de Branco aussi l’envoi de gaz lacrymogène et du combustible pour aider aux forces du coup d’état à réussir et suggère qu’une telle aide sera assistée par des opérations secrètes de la CIA. Il impose à l’administration « d’être préparée sans faute contre l’éventualité de l’intervention nécessaire. » 


L’Ambassadeur Gordon tient au courant de hauts fonctionnaires des États-Unis sur la détérioration de la situation au Brésil. Dans ce câble, déclassifié le 24 février 2004 par la Bibliothèque Présidentielle de LBJ, il réitère la nécessité « multiple »  d’un envoi secret d’armes « pre-positionnées précédemment contre tout foyer de violence »  « qui seront utilisées par les unités paramilitaires qui travaillent avec les groupes de militaires démocratiques »  et il recommande une déclaration publique de la part de l’administration « pour tranquilliser la grande quantité des démocrates du Brésil qui ne sont ici pas indifférents au danger d’une révolution communiste. » 


L’antenne de la CIA au Brésil a transmis ce rapport du terrain, de sources d’intelligence à Belo Horizonte qui indique qu’ « une révolution des forces anti-Goulart prend définitivement son cours cette semaine, probablement dans les prochains jours. Le câble transmet des renseignements dans des plans militaires en « mars jusqu’à Rio » . « La révolution, »  prédit la source d’intelligence, « ne sera pas résolu rapidement et sera sanglante. » 


La Secrétaire d’État Dean Rusk envoie à Gordon une liste des décisions de la Maison Blanche « Mettre en ordre et être en position pour donner de l’aide en temps voulu aux forces anti-Goulart si on décide que ceci doit être fait. »  Les décisions incluent d’envoyer des Etats Unis des pétroliers chargés avec du pétrole, du combustible et lubrifiants d’Aruba à Santos, au Brésil ; charger 110 tonnes de munitions et tout équipement type pour les forces putschistes ; et en envoyant une flotte navale en incluant des porte-avions, plusieurs destroyers et bâtiments d’accompagnements pour être conduits vers la côte du Brésil. Plusieurs heures plus tard, un second câble est envoyé qui amende le nombre de navires, et les dates d’arrivée aux côtes brésiliennes.


Ceci est le rapport de la conversation enregistrée d’une réunion de haut niveau, tenue à la Maison Blanche, entre le président Johnson et leurs principaux collaborateurs de la Sécurité Nationale au Brésil. Le Sous-directeur de la CIA des opérations occidentales de l’hémisphère, Desmond Fitzgerald a enregistré le rapport donné à Johnson et la discussion sur le progrès du coup. Le Secrétariat de la Défense a divulgué les mouvements du détachement de la force navale d’intervention qui naviguait vers le Brésil, et les armes et les munitions qui étaient stationnés à New Jersey pour approvisionner les participants du coup d’État en cas de nécessité.


Le bureau de la CIA au Brésil divulgue que le président démis, Joao Goulart, part du Brésil pour s’exiler en Uruguay à 13 :00, le 2 avril. Sa sortie marque le succès du coup militaire des Etats-Unis au Brésil.

« PÁGINA 12 » DU 21 NOVIEMBRE 2006

EE.UU. apoyó el golpe del ‘64, Página 12, le 21 Noviembre 2006