lundi 2 décembre 2013

40 ANS DE L’ASSASSINAT DE DEUX JEUNES CINÉASTES CHILIENS

         [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
SA FAMILLE ET SES PROCHES ONT CHERCHÉ TRÈS LONGTEMPS DES RÉPONSES SUR LE SORT DE LA JEUNE CINÉASTE CHILIENNE ET SON FIANCÉ, ENLEVÉS EN 1974 À SANTIAGO.

La capture du couple de cinéastes s’inscrit dans la vaste campagne de rafles massives lancées en 1974 par la police politique de Pinochet contre les militants de la gauche et surtout du M.I.R., la bête noire des appareils répressifs de la dictature.
 
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
JORGE MÜLLER SILVA AVEC LE RÉALISATEUR PATRICIO GUZMÁN LORS DU
TOURNAGE DU DOCUMENTAIRE « LA BATAILLE DU CHILI », EN 1973.

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
LA COMÉDIENNE CHILIENNE CARMEN BUENO
CIFUENTES - PHOTO MARCELO MONTECINO
Les tortionnaires se sont acharnés tout particulièrement sur Carmen Bueno et ont tenté de la faire admettre des liens proches avec Miguel Enríquez, car avant le putsch, la jeune femme avait offert un chien au dirigeant du Parti.

Les traces du couple ont été perdues définitivement le 18 décembre 1974, lorsque trois agents de la DINA chargés du transfert des détenus les ont extrait du camp de prisonniers Cuatro Alamos et les ont embarqués avec un destin inconnu. Depuis cette date on n’a plus rien su d’eux.


La vie professionnelle de la jeune cinéaste Carmen Bueno a été courte mais intense. Elle a participé au tournage de « La Terre Promise », de Miguel Littin et « À l'ombre du soleil » de Silvio Caiozzi, des films avec un fort contenu de critique social de deux jeunes réalisateurs du naissant cinéma chilien.


En 1971 elle a connu Jorge Müller, à l’époque chef photographe et l'un des plus importants caméramans du pays. Il était pour les critiques un grand maître du plan séquence, et sa remarquable capacité d'observation était aussi une énorme qualité pour le tournage des entrevues.


Jorge Müller venait de tourner avec le réalisateur Patricio Guzmán « La Bataille du Chili », long documentaire sur le processus politique commencé au Chili en 1971 avec l’élection de Salvador Allende. Devenu un véritable classique du genre, ce film n’a pu être projeté dans les salles chiliennes qu’en 2002.

« La Bataille du Chili », coproduction franco - chilienne, cubaine et vénézuélienne, est un film réalisé par Patricio Guzmán en 1973, neuf mois avant le coup d'État militaire au Chili.  

C’est le premier documentaire sur le processus politique chilien et il est devenu à l’extérieur un des premiers moyens de sensibilisation sur la tragédie chilienne et les exactions de la junte militaire.

En juillet 1975, le nom de Carmen Bueno est apparu dans la liste des 119 Chiliens morts en Argentine dans des prétendus affrontements et règlements de compte intestins des militants de gauche. Bien que son nom n’y ait pas figuré, il a été établi que Jorge Müller, comme tous les autres détenus, a été aussi froidement exécuté lors de cette campagne d’extermination.
CARMEN BUENO ET JORGE MÜLLER EN 1971
SUR LE TOURNAGE D’« À L'OMBRE DU
SOLEIL » À CASPANA, AU NORD DU CHILI.


La publication de cette liste des 119 disparus fait partie de l’« opération Colombo », vaste manipulation organisée par la police secrète chilienne pour occulter le massacre de plus d’une centaine de prisonniers.  

Pendant la dictature, des cinéastes et scénaristes, des techniciens et acteurs, ont maintenu le souvenir de Carmen Bueno et Jorge Müller, en se réunissant chaque 29 novembre face à la Bibliothèque Nationale du Chili pour exiger la vérité sur le sort de leurs collègues séquestrés. De ces activités est surgi l'engagement et le projet d'instituer cette date comme le jour du Cinéma Chilien, en souvenir des chers disparus.

À l’institut de la Communication et de l'Image de l’université du Chili, le grand auditorium porte aujourd’hui le nom de Jorge Müller Silva.

Au musée de la Mémoire et des droits de l’homme, fondé à Santiago du Chili en 2010, une petite vitrine réunit une vieille caméra de  cinéma, des photos et quelques objets personnels ayant appartenu à Carmen Bueno. Leurs deux noms sont aussi gravés sur le Mur de la mémoire, le monument qui rappelle à l’entrée du cimetière général les milliers de victimes de la violence politique au Chili.