samedi 9 novembre 2013

PRÉSIDENTIELLE, SUR FOND DE COLÈRE SOCIALE

Tous les candidats ignorent la paralysie des villes, si ce n’est quelques titres dans la presse pour dénoncer les plus de 800 tonnes d’ordures qui s’entassent dans la cité portuaire de Valparaiso. Et pourtant… Hier, plusieurs centaines de fonctionnaires de district de Santiago se sont retrouvés devant le palais présidentiel de la Moneda pour exiger des comptes du président de droite, le multimilliardaire Sebastian Pinera. Une pancarte résume un état de fait peu banal à dix jours des élections générales : « Sans municipalités, il n’y a pas de présidentielle. » Voilà plus de quinze jours que 95 % des services des communes sont pour ainsi dire au point mort, les fonctionnaires des services publics locaux ayant « cessé de travailler », selon la formule consacrée puisque la Constitution promulguée par le dictateur Augusto Pinochet, toujours en vigueur, leur interdit de faire grève. « Nous sommes face à une dette historique », déclare Ana Navarro, de la municipalité de San Joaquin. Depuis les années 1980, « les embauches se sont de plus en plus détériorées. Les contrats honoraires (CDD, précaires – NDLR) se sont généralisés, poursuit-elle. Nous sommes victimes de discriminations par rapport aux autres fonctionnaires qui perçoivent un salaire extra de l’ordre de 36 % quand le nôtre plafonne à 11 %. Nous exigeons de bénéficier des mêmes droits. » Les revendications pointent toutes la restructuration des services publics sur fond de désengagement de l’État.


«Sans municipalités, pas de présidentielle»

Venue avec des collègues du district Independencia, Aurora Lagos s’emporte. « Nous sommes aux premières loges. Nous faisons face une demande croissante des habitants mais avec moins de moyens », en raison non pas de la décentralisation mais de la municipalisation. À ce propos, le processus de négociations avec le gouvernement a tourné court. « Il propose que les salaires extras soient rattrapés sur trois ans et à la charge des municipalités. Le gouvernement se défait de ses responsabilités, critique Ana Navarro, faisant mine d’interroger : Et comment vont faire les villes dépourvues de moyens financiers ? » C’est là une facette moins gratifiante du prétendu modèle économique chilien qui affiche, certes, une croissance à plus de 4 %, mais en privatisant des secteurs entiers – éducation, santé –, les municipalités emboîtant le pas à l’exécutif faute de ressources.

Personne ne doute de la tenue des élections même si les fonctionnaires, à l’abandon, exigent des réponses immédiates. Leurs collègues d’État prennent aujourd’hui le relais à l’occasion d’une journée nationale d’arrêt de travail, à l’appel de différents syndicats du service public de la Centrale unitaire des travailleurs, la principale confédération. Les candidats, eux, font le dos rond.

Revendications et compromis  L’Assemblée des municipalités du Chili (Asemuch), émanation de la Centrale unitaire des travailleurs, continue d’exiger du gouvernement qu’il réponde favorablement à ses revendications, après quinze jours d’arrêt de travail des territoriaux. L’Association des fonctionnaires municipaux (AchM), qui assure que le mouvement n’altérera pas l’organisation des élections du 17 novembre, avance quant à elle des compromis en préconisant un service minimum ainsi que l’externalisation de certains services dans les communes. 
Elle reconnaît néanmoins le bien-fondé de certaines revendications. Du côté de la Moneda, le palais présidentiel, la posture est on ne peut plus claire : cette grève est « illégale ».

Cathy Ceïbe