vendredi 11 octobre 2013

LA FERMETURE DE LA PRISON DE LUXE DE CORDILLERA, AU CHILI

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UN REPORTAGE DE CLAIRE MARTIN, À SANTIAGO DU CHILI,  « LA FERMETURE DE LA PRISON DE LUXE DE CORDILLERA, AU CHILI » L'ÉMISSION DU VENDREDI 11 OCTOBRE 2013   DURÉE : 00:05:17

Le président de droite du Chili, Sebastian Piñera, a fait fermer la prison où les plus grands criminels de la dictature d’Augusto Pinochet étaient enfermés. Une dictature qui a duré de 1973 à 1990 et fait plus de 3200 morts et disparus, plus de 38 000 victimes de torture et plus de 200 000 exilés. Les victimes de ces années noires manifestaient face à la prison Cordillera avant qu’elle ne ferme, il y a deux semaines. 

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LE PRÉSIDENT CHILIEN DE DROITE SEBASTIÁN PIÑERA A ANNONCÉ JEUDI 26 SEPTEMBRE 2013, LA FERMETURE DE LA PRISON DE LUXE CORDILLERA ABRITANT DES CRIMINELS DE LA DICTATURE D’AUGUSTO PINOCHET, DONT MANUEL CONTRERAS, CHEF DE LA POLICE POLITIQUE DE LA JUNTE (DINA), EMPRISONNÉ À VIE POUR QUINZE CHEFS D’ACCUSATION. PHOTO  JOSÉ MANUEL DE LA MAZA 

par Claire MARTIN 

Eliana Villegas : 
« 
Chaque coup est un coup contre eux, pour qu’ils s’en aillent d’ici et partent là où ils devraient croupir ! Cette prison a été créée spécialement pour eux, avec des conditions dont ne jouit aucun prisonnier dans ce pays. Ici, ils ont chacun leur téléviseur, internet, ils reçoivent quand ils veulent, chacun a une chambre avec salle de bain particulière. C’est un hôtel trois étoiles ! Cette prison n’aurait jamais dû exister, c’est une honte pour le pays !
»

Eliana Villegas est venue manifester devant les hauts murs blancs sans barbelés, pour son beau-frère disparu sous la dictature. La prison Cordillère était un centre de vacances de l’armée avant de se convertir en centre pénitencier, en 2004. Créée par un gouvernement de centre-gauche pour dégorger l’autre prison pour bourreaux de la dictature, Punta Peuco, elle hébergeait dix prisonniers. Au beau milieu d’un parc avec terrain de tennis et barbecue, dans une banlieue chic de Santiago, ils vivaient dans cinq maisonnettes tout équipées.

Le mari de Tereza Izquierdo a disparu en 1975. Elle-même a subi d’atroces tortures :


« 
On a toujours espéré que justice se fasse, le plus possible. Cette fermeture ne signifie peut-être pas grand chose dans le fond, mais le fait que ces assassins soient là, avec tous ces privilèges -celui qui s’est suicidé avait même un permis de port d’arme et il était chez lui-, c’était se moquer du monde. C’est donc bien que ça se finisse.
»

Le général à la retraite de 87 ans, Odlanier Mena, s’est tiré une balle dans la tête. Condamné à six ans de prison, il bénéficiait d’un permis de sortie les week-ends. Dans une lettre, il a dit refuser son transfert à la prison Punta Peuco pour des raisons médicales. Cette prison se trouve à une heure de Santiago. La prison Cordillère était à quelques centaines de mètres de l’hôpital militaire. Mise à part cette différence, Punta Peuco reste une prison dorée, juste un peu moins luxueuse.

A 78 ans, Domingo Zapata ne s’est jamais remis de la torture :  


« 
Ils devraient être dans une prison publique comme tout le monde. A bas les privilèges ! 
 »

Les tortionnaires de Pinochet restent toujours mieux lotis que les petits délinquants. « Il faut assurer leur sécurité physique », argumentent les autorités. Il s’agit surtout d’éviter de trop énerver l’armée, qui n’a jamais cessé de soutenir ses criminels. Au contraire d’une partie de la droite, représentée par le président Sebastian Piñera, qui vient de prouver, en fermant cette prison, qu’elle tournait définitivement le dos à la dictature.