jeudi 3 octobre 2013

CHILI: FERMETURE DE LA PRISON DE LUXE POUR TORTIONNAIRES DU RÉGIME DE PINOCHET

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
« AU REVOIR MEURTRIERS, NI OUBLI, NI PARDON », PEUT-ON LIRE SUR LA PANCARTE BRANDIE PAR CE MILITANT, DEVANT LA PRISON DE CORDILLERA, OÙ ÉTAIENT DÉTENUS LES TORTIONNAIRES DU RÉGIME D’AUGUSTO PINOCHET. PHOTO LA TERCERA 

Terrain de tennis et maisonnettes individuelles

Le scandale a évidemment éclaté, d’autant que Manuel Contreras a raison. Le Penal Cordillera, créé il y a neuf ans pour les plus grands tortionnaires de la dictature dans une banlieue chic de Santiago, n’a rien d’une prison. Terrain de tennis, maisonnettes pour les détenus avec chauffage, petite cuisine, jardins, accès à internet, radios, télévisions... Ce à quoi il faut également ajouter le personnel, en nombre : une nutritionniste, un kiné, des médecins, un psychologue. Le Penal Cordillera est en somme «l’hôtel 5 étoiles », comme disent les Chiliens. C’est donc au nom du principe de l’égalité devant de la loi que le président chilien a décidé, jeudi 26 septembre, la fermeture de cette prison de luxe.

[ Pour écouter, cliquer sur la flèche ]
L'IMAGE PRISE LE 11 SEPTEMBRE 1973 A SANTIAGO DES TROUPES  REBELLES  PLACEES SUR UN TOIT FONT FACE AU PALAIS PRESIDENTIEL PENDANT LE COUP MILITAIRE QUI A RENVERSE L'ANCIEN PRESIDENT CHILIEN SALVADOR

►  À (ré)écouter: Anniversaire du coup d'Etat de Pinochet

Les prisonniers qui y étaient détenus ont été transférés dans un hôtel 3 étoiles : l’autre prison pour tortionnaires de la dictature, le Punta Peuco, où sont déjà enfermés 44 détenus. Elle ressemble davantage à une prison. Son régime est aussi beaucoup plus strict et elle se situe à 50 kilomètres de Santiago. Ce transfert est donc ressenti comme un déshonneur. Certains ont d’ailleurs déposé plainte. Aucun des détenus n’estime avoir commis des crimes. Selon eux, ils n’ont fait que sauver la patrie du marxisme.



[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
LE GÉNÉRAL ODLANIER MENA A ÉTÉ AUX COMMANDES DE LA CENTRALE NATIONALE D’INFORMATIONS (CNI), ENTRE 1977 ET 1980. LA CNI FUT CRÉÉE IMMÉDIATEMENT APRÈS LA FIN DE LA DINA (DIRECTION D'INTELLIGENCE NATIONALE), DISSOUTE PAR LES PRESSIONS DU GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS SUITE À L’ASSASSINAT D'ORLANDO LETELIER À WASHINGTON EN 1976. PHOTO CHRISTIAN IGLESIAS.

Le transfert a eu lieu samedi dans la nuit. Mais il n’a concerné que neuf détenus, sur les dix initialement prévus. Le matin même, Odlanier Mena, l’un d’entre eux, a préféré se tirer une balle dans la tête. Il purgeait une peine de six ans de prison pour trois assassinats. A 87 ans, il a expliqué dans une lettre ne pas comprendre comment il pourrait recevoir les soins nécessaires à sa santé. Le Penal Cordillera se trouve en effet à côté de l’hôpital militaire.

Odlanier Mena bénéficiait d’une permission de sortie les week-ends et il avait chez lui 4 armes à feu, avec permis. Deux anomalies qui montrent combien ces prisonniers ne sont pas traités comme tel. Pendant longtemps, le pouvoir civil chilien avait peur du pouvoir militaire. C’est aussi parce que cette peur a disparu que le président chilien s’est permis de fermer la prison.


[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 
UN SOLDAT ESSUIE LE CERCUEIL DE  L'ANCIEN DICTATEUR CHILIEN AUGUSTO PINOCHET, DÉCEMBRE 2006. PHOTO AFP  

Un président de droite, qui plus est, dans un pays où la droite a soutenu et s’est formée sous Pinochet. La droite la plus dure, très pro Pinochet, minoritaire aujourd’hui, se sent d’ailleurs trahie. Pour elle, Sebastian Piñera est responsable de ce suicide. Ce qui choque aussi, c’est que les commandants en chef de l’armée de terre ont assisté aux obsèques. La «famille militaire », comme on l’appelle ici, protège toujours les tortionnaires.