vendredi 1 juillet 2011

Le président uruguayen rouvre des enquêtes sur les crimes des années de plomb

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Memmbres de l'associations de défense des droits de l'homme, Hijos – qui regroupe des enfants de disparus. Photo dans le journal Le Monde
M. Mujica, un ancien guérillero des Tupamaros, lui-même torturé et emprisonné pendant quatorze ans, a signé un décret en ce sens, jeudi 30 juin. Le chef de l'Etat a pris cette décision par "devoir éthique" et pour mettre l'Uruguay en conformité avec "le verdict de la Cour interaméricaine des droits de l'homme" (CIDH), qui a exigé, en mars, que Montevideo lève les entraves aux enquêtes sur les disparitions forcées, a précisé le secrétaire à la présidence, Alberto Breccia. La CIDH avait émis cette sentence pour le cas de la disparition de la belle-fille du poète argentin Juan Gelman. Quelque 200 personnes ont disparu pendant la dictature en Uruguay, un pays de 3,5 millions d'habitants.

Le décret présidentiel qui annule des décisions administratives prises par des gouvernements antérieurs promet d'entraîner une dure bataille juridique. Vingt-cinq ans après le retour de la démocratie, la révision d'un passé douloureux divise la société uruguayenne, dérange les forces armées et fragilise le Front élargi, la coalition de centre gauche au pouvoir.

Le 20 mai, les députés uruguayens avaient voté, à une voix près, contre l'abrogation de la loi dite "de caducité", qui représente une amnistie de fait des responsables de violations des droits de l'homme. Après quatorze heures de débat, la coalition gouvernementale, qui dispose de la majorité dans les deux chambres, n'avait pas réussi à réunir les 50 voix nécessaires pour approuver le projet d'annulation en raison de l'opposition de la droite, mais aussi de parlementaires du centre gauche.

Les détracteurs du projet rappelaient que la loi d'amnistie avait été ratifiée par référendum, à deux reprises, en 1989 et en 2009, à vingt ans d'intervalle. En octobre2009, les Uruguayens avaient voté pour le maintien de la "caducité", tout en élisant un nouveau gouvernement du Front élargi avec pour président un ancien dirigeant des Tupamaros, la guérilla urbaine des années 1970.

Cependant, cette loi d'amnistie a été déclarée inconstitutionnelle, à trois reprises, par la Cour suprême. Adoptée en 1986, elle oblige la justice à obtenir, au cas par cas, l'accord de l'exécutif avant d'instruire une enquête. Depuis l'arrivée de la gauche au pouvoir en 2005, quelques condamnations pour violation des droits de l'homme ont été prononcées contre des civils. Les anciens dictateurs Gregorio Alvarez (1981-1985) et Juan Maria Bordaberry (1973-1976) ont ainsi été condamnés, respectivement à vingt-cinq ans et à trente ans de prison.

Les associations de défense des droits de l'homme, à l'instar de Hijos – qui regroupe des enfants de disparus –, avaient présenté une pétition au président Mujica pour que soient ouvertes de nouvelles enquêtes. Hijos réclame également l'accès aux archives des services secrets du ministère de la défense pour faire la lumière sur les crimes commis pendant la dictature.

Christine Legrand