mardi 21 juin 2011

Pour le FMI, pas de solidarité latino

Agustín Carstens, à l'Ambassade du Mexique à Madrid. PHOTO CARLOS ROSILLO 30-05-2011
Carstens, ancien ministre des Finances de son pays, ancien numéro deux du FMI, est l'actuel directeur de la Banque du Mexique. Sa candidature a obtenu le soutien de l'Espagne et de 13 pays d'Amérique latine, notamment le Mexique, la Colombie, le Pérou, le Venezuela, la Bolivie, ainsi que de presque tous les pays d'Amérique centrale. L'autre candidate en lice est Christine Lagarde, la ministre des Finances française, qui est favorite pour ce poste, traditionnellement attribué à un Européen. Pendant tout l'entretien, Carstens a essayé d'éviter de critiquer le Brésil, l'Argentine et le Chili, mais il a fait valoir que ces trois pays devraient appuyer sa candidature s'ils souhaitaient sincèrement que l'Amérique latine – et les économies émergentes en général – pèse davantage à l'échelle mondiale.
"Le Brésil aurait tout intérêt à manifester son soutien à l'Amérique latine", assure Carstens. Je lui ai demandé ce qu'il entendait par là. Il m'a expliqué que "l'Amérique latine [avait] perdu de l'influence au sein du FMI". Tandis qu'il y a encore quelques années, un Latino-Américain – Carstens lui-même – occupait le deuxième poste le plus important de cette institution, celui de sous-directeur gérant, aujourd'hui il n'y a plus que deux Latino-Américains parmi les 25 hauts fonctionnaires du troisième niveau hiérarchique du FMI. "Si c'était moi qui l'emportais, ce serait une affirmation très forte de l'influence de l'Amérique latine", souligne Carstens. "Et même si nous ne gagnons pas, un vote massif de l'Amérique latine contre le statu quo serait un signal très fort de notre volonté d'imprimer notre marque à l'institution et aussi de montrer notre désaccord envers la manière dont les choses se font au FMI." "Les problèmes de l'Europe sont très sérieux", poursuit Carstens. "Un regard neuf pourrait largement contribuer à trouver des solutions adaptées. Quand on est trop plongé dans les problèmes, on passe parfois à côté de certains aspects. Sans compter que nous autres, les Latino-Américains, avons une grande expérience dans la résolution des crises."
Après cet entretien, j'ai demandé à plusieurs observateurs du FMI pourquoi, d'après eux, le Brésil, l'Argentine et le Chili n'avaient toujours pas soutenu la candidature de Carstens. Plusieurs d'entre eux m'ont dit que l'attitude du Brésil – le plus grand pays d'Amérique du Sud – s'expliquait sans doute par sa rivalité avec le Mexique. D'autres estiment que le Brésil attend peut-être de voir lequel des deux candidats aura le plus de voix avant de se prononcer. "Le Brésil veut jouer dans la cour des grands", affirme Claudio Loser, un ancien fonctionnaire du FMI. "Et puis les Brésiliens doivent penser que ce sera Lagarde qui va l'emporter et ils ne veulent certainement pas voter contre elle."
Pour ma part, j'estime que si un Latino-Américain de la stature de Carstens prenait la tête de la plus grande institution financière de la planète, ce serait une vraie réussite pour la région, car cela lui permettrait d'accroître son influence sur les affaires mondiales. Pourtant, si incroyable que cela puisse paraître, certains des plus grands pays de la région, qui passent leur temps à se gargariser de l'unité latino-américaine, ne soutiennent pas sa candidature. Ils devraient avoir honte.