vendredi 20 mai 2011

URUGUAY / DICTATURE: REJET D'UN PROJET D'ANNULATION D'UNE LOI « D'AMNISTIE »

Après des mois de manifestations et quatorze heures de débat parlementaire marathon, le parti au pouvoir (Frente Amplio, gauche) n'est pas parvenu à réunir les 50 voix nécessaires pour approuver le projet.
Le vote aurait dû être une formalité après l'approbation du projet en première lecture à la chambre basse en octobre puis en avril au Sénat, mais un député de la coalition de gauche au pouvoir a changé d'avis.

Ce député, Victor Semproni, après s'être expliqué, a renoncé à prendre part au vote et quitté la salle, laissant partisans et détracteurs du projet à égalité, 49 à 49.

La loi de "caducité", adoptée en 1986, contraint les juges à demander l'autorisation du gouvernement de ce pays sud-américain de 3,4 millions d'habitants pour pouvoir poursuivre des membres de forces de l'ordre soupçonnés de violations des droits de l'homme pendant la dictature.

Elle a été déclarée anticonstitutionnelle dans deux dossiers par la Cour suprême, qui a estimé qu'elle violait le principe de séparation des pouvoirs, et la Cour interaméricaine des droits de l'Homme (CIDH) a récemment demandé à l'Uruguay de lever les entraves aux enquêtes sur les crimes de la dictature.

Cette loi a empêché tout procès jusqu'à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 2005. Depuis, le gouvernement a autorisé plusieurs enquêtes et les principaux chefs de la dictature ont été condamnés, comme le dictateur Juan Maria Bordaberry (1973-1976).

L'opposition et certains membres de la majorité critiquaient le projet d'annuler la loi de caducité au motif qu'elle a été ratifiée à deux reprises par référendum en 1989 et en 2009.

Le président José Mujica, un ancien guérillero emprisonné durant toute la dictature, était lui-même opposé à l'abrogation, notamment "pour ne pas transférer aux nouvelles générations de militaires les frustrations de nos générations".

De nombreuses affaires restent à juger, selon les défenseurs des droits de l'homme, qui devaient défiler ce vendredi comme chaque 20 mai à l'occasion de la Marche du silence en hommage aux plus de 200 disparus de la dictature.


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La situation des auteurs de crimes contre l'humanité sous les régimes militaires est très variable en Amérique du Sud, où les dictatures d'Argentine, du Chili, du Paraguay, du Brésil, de Bolivie et d'Uruguay avaient mis en place dans les années 70 le "plan Condor" pour éliminer leurs opposants.

Au Brésil, la loi d'amnistie de 1979 interdit toute poursuite contre les militaires responsables de violations de droits de l'homme durant la dictature, qui a fait 400 morts ou disparu.

En Argentine, au contraire, les lois d'amnistie ont été abrogées sous la présidence de Nestor Kirchner (2003-2007), ce qui a ouvert la voie à la réouverture de dizaine de procès ayant abouti à la condamnation de plus de 200 anciens membres des forces de l'ordre.
Dans ce pays où quelque 30.000 personnes ont disparu sous la dictature, l'ex-dictateur Jorge Videla, à la tête du putsch du 24 mars 1976, a notamment été condamné à la prison à vie.

Au Chili, environ 700 militaires, policiers ou civils ont été condamnés ou sont poursuivis pour exécutions, disparitions, tortures sous la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), qui a fait plus de 3.000 morts ou disparus.

Mais moins de 70 sont en détention, à la faveur de remises de peine ou d'assouplissements de régime et certaines condamnations n'ont toujours pas été confirmées.