mardi 12 octobre 2010

Les tortures de l'ère Pinochet

Par Gilles Gaetner, publié le 01/03/2007
Tortures. Actes de barbarie. Enlèvements. Séquestrations. Saisie par plusieurs plaintes de familles de victimes franco-chiliennes du régime de Pinochet, la juge Sophie Clément a pu reconstituer les épisodes sanglants qui ont suivi la chute, le 11 septembre 1973, du président du Chili Salvador Allende. Ils sont décrits tout au long des 190 pages de son ordonnance qui renvoie devant une cour d'assises 18 militaires de haut rang, partisans de l'ex-dictateur mort le 10 décembre 2006.
Premier cas évoqué: celui de Georges Klein, conseiller du président Allende jusqu'au coup d'Etat. Ce psychiatre sera arrêté lors de la prise du palais présidentiel, la Moneda, avant d'être «attaché avec du fil de fer par les pieds et les mains, jeté et entassé dans un camion-benne, puis emmené vers une destination inconnue». Selon certains témoignages, «il aurait pu être conduit sur le champ de tir de Peldehue, où il aurait été abattu avec ses codétenus [...] sur ordre du major général Rafael Ahumada Valderrama».
Etienne Pesle, un ancien prêtre, installé au Chili depuis 1953, qui se mariera en 1966 avec une Chilienne, subira un sort identique. Arrêté le 19 septembre 1973, à Temuco, ville située à 600 kilomètres au sud de Santiago, il sera détenu non loin de là, sur la base aérienne de Maquehue. Voici ce qu'Etienne Pesle et ses compagnons ont enduré: «[...] Ils ont subi des coups, quelques-uns avec des yatagans [sabres incurvés en deux sens opposés], ainsi qu'avec une règle sur les testicules. Ils ont souffert d'application d'électricité, de simulacres d'exécution, de pendaison, d'asphyxie [...]. Les bandages sur leurs yeux ne permettaient pas de distinguer le jour de la nuit. Ils étaient obligés d'entendre et d'assister aux tortures des autres, recevaient des menaces et étaient victimes de violences sexuelles.» Etienne Pesle mourra dans des conditions jamais élucidées...
Alphonse Chanfreau, universitaire, qui vivait dans une semi-clandestinité, ne sera arrêté, avec son épouse, Erika, que le 30 juillet 1974. Il passera quinze jours au 38 de la rue de Londres, siège de la villa Grimaldi, à Santiago. Erika, qui sera expulsée du Chili en novembre 1974, livre ce témoignage: «[...] Chaque fois qu'Alphonse revenait des interrogatoires-tortures, il était prostré et gémissait. Quelquefois, il n'était pas en mesure de manger le peu de nourriture qu'on nous donnait. [...] J'ai la certitude qu'il a été torturé, car j'entendais ses cris depuis la salle commune où il se trouvait.» Le 13 août 1974, Alphonse Chanfreau quitte avec six autres détenus la villa Grimaldi. Son épouse ne l'a jamais revu...