mardi 22 juin 2010

Carton rouge à l’arbitre dans la presse suisse

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Le Suisse Valon Behrami à droite aux prises avec le Chilien Arturo Vidal lors du Mondial, le 21 juin 2010 à Port Elizabeth. Photo Karim Jaafar AFP
«La Suisse plie mais reste en lice», dans Le Temps, «La Suisse perd un match, pas l’espoir» dans 24heures, «Retour sur le dur plancher de la réalité» dans la Basler Zeitung: ces quelques titres au contenu sportif font presque figure d’exception dans une presse suisse (alémanique surtout) qui exprime avant tout «la frustration et la colère» (Berner Zeitung) contre l’arbitre.
Colère qui culmine en une du Blick, avec cette très élégante manière de traiter M.Khalil al-Ghamdi de «chameau» et de poser la question qui tue: «Ce Saoudien va-t-il nous coûter les huitièmes de finale?» Plusieurs journaux mettent également en exergue le coup de gueule de l’entraîneur Ottmar Hitzfeld, qui aurait dit «les bons arbitres sifflent sur les terrains, les autres sur la plage».
Pour Le Matin, l’arbitre «méritait le rouge». «En voulant montrer qui était le chef, en sortant ses cartons à tour de bras, l’arbitre a pourri un match qui était parti sur des bases plutôt fair-play», écrit le quotidien de boulevard, pour qui «le summum a été atteint quand il a sorti Behrami, puis quand son juge de touche n’a pas sanctionné le hors-jeu de Paredes sur le but chilien».

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31e minute: Behrami expulsé, la Suisse va devoir jouer une heure à 10 contre 11. Photo Karim Jafaar / AFP / Getty Images

«Dehors les exotiques!», écrit le Blick, qui verrait mieux l’arbitre de la rencontre «complètement dépassé par le rythme du jeu» «conduire des chameaux dans le désert». Et histoire d’en rajouter une couche, le quotidien de boulevard alémanique rappelle les déboires de l’équipe d’Allemagne avec un arbitre qui était simplement «dans un mauvais jour». Il est vrai qu’il était espagnol…
Mauvais choix ?
Retour au sport dans la Berner Zeitung, qui juge «trop facile» de mettre toute la faute sur l’arbitre. «Même avant ce sévère carton rouge, la Suisse n’a pas été convaincante sur le plan offensif», juge le quotidien, pour qui «les occasions de but sur ces deux premiers matches ont été clairement trop peu nombreuses».
Et il va falloir que ça change, car la Suisse doit battre le Honduras si elle veut poursuivre l’aventure. Cette obligation de vaincre est «plutôt une bonne nouvelle» pour 24heures et La Tribune de Genève, car cette situation va forcer l’équipe «à jouer plus résolument vers l’avant, à forcer sa nature et mériter ainsi une éventuelle promotion dans le tournoi».
La Liberté se demande si finalement ce n’est pas Hitzfeld qui s’est trompé, en modifiant l’équipe qui a gagné contre l’Espagne. Alex Frei, en effet, «n’a strictement rien montré» et quant à Behrami, «son jeu de mains s’est avéré un jeu de vilain».
Et dans la perspective de la rencontre avec le Honduras, «demeure cette incertitude: après deux matches passés à se défendre, la Suisse saura-t-elle attaquer? Ottmar a trois jours pour apporter la réponse et redevenir Gottmar», conclut le quotidien fribourgeois.
Dans le Blick encore, l’ancien entraîneur Köbi Kuhn, chroniqueur régulier pendant la Coupe du monde rappelle lui aussi ce principe: «never change a winning team!» (en anglais dans le texte). Selon lui, en effet, Alex Frei, au vu de ses blessures, n’était pas encore prêt à jouer à ce niveau.
A relever: l’ancien patron de l’équipe nationale est un des seuls à ne pas jeter la pierre à l’arbitre pour l’expulsion de Behrami. Mais sur le but chilien, il estime quand même que le juge de touche aurait dû siffler, car vu des tribunes où il se trouvait, il a «le sentiment» qu’il y a avait effectivement hors-jeu
Le Chili, plus joueur, plus talentueux
Reste le vainqueur du jour, ce Chili qui «au-delà des péripéties du match s’est montré plus joueur, plus talentueux aussi» et qui donc «n’a pas volé sa victoire», notent 24heures et La Tribune de Genève.
Un avis partagé par Köbi Kuhn et par une autre légende du football, Karli Odermatt, chroniqueur de circonstance pour la Basler Zeitung. «Cette équipe m’a convaincu, elle est rapide comme l’éclair en avant, et pour l’Espagne qui doit encore l’affronter, ce ne sera certainement pas une promenade de santé», écrit l’ancien international bâlois.
La presse chilienne a également apprécié la performance de son équipe. El Mercurio rappelle que Gonzales est l’homme qui a mis fin à la plus longue période d’invincibilité de l’histoire de la Coupe du monde, puisque la Suisse n’avait pas encaissé un seul but (hors les tirs de penalties) en 2006 et qu’en 2010, même l’Espagne n’est pas parvenue à battre Benaglio.
Le quotidien salue sa «Roja» et se félicite de ce que «dès la première minute, on a vu que ce qui s’était écrit était vrai: le Chili a fait le jeu, tandis que la Suisse s’est contentée de jouer en contre et sur les balles arrêtées».
La Nación estime de son côté que «Justice a été faite, dans un match largement dominé par le Chili. Les rouges sont maintenant aux portes de la qualification et l’Espagne n’a qu’à venir».
Marc-André Miserez, swissinfo.ch
(Collaboration: Eveline Kobler et Marcela Aguila Rubin)