vendredi 13 novembre 2009

La France accusée de se désengager de la lutte contre les mines antipersonnel

Cette publication dresse chaque année le bilan de l'application de la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel, signée en 1997 par 156 pays, mais sans la Chine, les Etats-Unis et la Russie.
Handicap International émet aussi, à cette occasion, des inquiétudes sur la convention d'interdiction des bombes à sous-munitions d'Oslo, signée fin 2008. Elle n'est pas encore en vigueur, car seuls 23 Etats, sur les 101 signataires, l'ont ratifiée, dont la France, le 25 septembre.
En 2008, selon les ONG, les fonds internationaux – destruction des stocks de mines, dépollution des terres, formation de démineurs et aide aux 500000 victimes survivantes recensées – se sont élevés à 346 millions d'euros. Une somme record. Mais, parmi les contributeurs, la France n'arriverait qu'au 23e rang mondial, derrière la Slovénie.
Maintenant que le programme de destruction des stocks est terminé en France, les financements directs pour les actions extérieures sont menacés, estime Handicap International. Ils ont été ramenés de 1,7 million d'euros en 2007 à 300 000 euros en 2008, concentrés sur le Centre de formation au déminage humanitaire pour l'Afrique de l'Ouest, installé au Bénin. En comparaison, le programme soutenu au Liban par l'association coûte 100000 euros par mois. L'ONG réclame "15 millions d'euros par an sur cinq ans pour honorer le traité".
"Dans les témoignages que nous avons recueillis, la grande majorité des victimes disent que le traité d'Ottawa n'a pas changé leur vie. L'assistance manque dramatiquement de financements", plaide
Marion Libertucci, une des responsables de l'association. Chaque année, près de 6 000 accidents sont recensés dans le monde.
ARRÊT DU COMMERCE ?
Au ministère de la défense, comme à celui des affaires étrangères, on estime le procès "injuste" et on assure que l'attention politique n'a pas fléchi, la France voulant jouer "l'exemplarité" en ce domaine. L'effort serait réel, mais dilué dans l'action globale sur le développement. Dans les budgets, aucune ligne spécifique n'apparaît plus.
Au plan européen, même chose: le volet déminage est évalué en 2008 à 61 millions d'euros dans le budget d'aide au développement de la Commission. Et dans la contribution française (800 millions d'euros) aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, l'action de déminage n'est pas identifiée.
"L'effort humain ne doit pas être oublié", ajoute l'amiral
Yves Joly, chef de la division maîtrise des armements au ministère de la défense. Une dizaine d'officiers, dit-il, sont détachés dans des centres d'expertises, et "le génie, dans le cadre des opérations extérieures de l'armée, mène des opérations de déminage humanitaire, comme ce fut le cas au Tadjikistan ou actuellement au Liban".
Les ONG pensent nécessaire de maintenir la pression sur les Etats – sur ceux qui ne sont pas partie prenante du traité comme sur les autres – en vue d'un sommet international à Carthagène (Colombie), du 30 novembre au 4 décembre.
Sur les bombes à sous-munitions, la situation est encore plus problématique. Ces armes, très imprécises, sont dévastatrices. Or, si la convention d'Oslo rassemble 50 % des membres des Nations unies, ils ne "pèsent" que 10 % du stock mondial. En France, 15 millions de sous-munitions ont déjà été retirées du service; il reste à les détruire.
L'enjeu est de savoir si le traité pourra s'imposer comme une norme et conduire à l'arrêt de leur commerce. Dans ce cadre, les ONG attendent un engagement des Etats-Unis, le plus gros détenteur.
Nathalie Guibert