samedi 21 février 2009

CHARLES DARWIN, UN DESTIN HORS DU COMMUN

-->Note du journal El Mercurio de Valparaiso, sous le titre « Mouvement maritime » dans la quelle est annoncé l’arrivé du bateau de Charles Darwin, le "Beagle", au port de Valparaiso au Chili.

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Id. 23 --La barque de S. M. B. (Sa Majesté Britannique) Beagle, en provenance de Chiloé en 9 jours de navigation.
Et la Goélette Abenturera , son commandant Wickhman. Ces bateaux voyagent en convoia afin de lever des plans


Sa famille est anglicane, libérale, et a fait fortune dans le commerce et l’industrie. Il n’a que 8 ans quand sa mère, fille d’un célèbre céramiste, meurt. Son père, un homme sévère avec ses enfants, est médecin de campagne, tout comme son grand-père paternel, Erasmus Darwin, poète et botaniste, qui, en 1794, publia Zoonomia ou la Loi de la vie organique, un ouvrage sur la médecine et la biologie dans lequel il évoquait la transformation des espèces. Il semble que Charles le lira, mais n’en sera pas marqué pour autant.

Enfant, il adore courir la campagne, à la recherche d’insectes ou d’oiseaux. Avec son frère aîné Erasmus, il fait des expériences de chimie, ce qui lui vaut le surnom de « Gaz ». Il est un élève très ordinaire à l’école ; son instituteur lui reproche sa manie des détails.

À l’âge de 16 ans, on l’envoie à Édimbourg pour faire sa médecine. Mais il ne supporte pas les dissections. Il abandonne la médecine, au grand dam de son père, qui l’envoie en 1828 à l’université de Cambridge pour devenir… pasteur anglican. Car, à cette époque, c’est une occupation qui laisse beaucoup de temps libre. Charles pourra donc chasser, herboriser et collecter ses coléoptères.

A 22 ans il part pour un voyage de 8 ans

En 1831, il obtient son Bachelor of Arts avec un classement moyen, quand son professeur de botanique, John Henslow, lui signale qu’on cherche un naturaliste pour une expédition scientifique qui part cartographier les côtes d’Amérique du Sud ; il faut un homme de bonne éducation et curieux de la nature pour accompagner Robert Fitzroy, capitaine du navire hydrographique de la Royale appelé Beagle, le « Fouineur ».

Charles est emballé, lui qui a lu les récits d’aventures de Cook et Humboldt. Sauf qu’il faut de l’argent pour acheter livres et instruments, et que son père s’oppose à son départ. Heureusement, son oncle Josiah arrange les choses et, le 27 décembre 1831, Charles embarque à Plymouth sur un trois-mâts barque de 27 m de long et 7 m de large avec 72 personnes à bord pour une aventure qui, initialement, devait durer deux à trois ans. Il a alors 22 ans !

Ce fut, évidemment, le tournant de sa vie. Sujet au mal de mer, Charles parvient tout de même à lire les Principes de géologie de Charles Lyell, dans lesquels il prend connaissance de la théorie de Lamarck. Au cours de son voyage d’une richesse incroyable, là encore il eut de la chance. Au Chili, il assiste à un tremblement de terre et comprend que la Terre bouge. Au Brésil, il découvre une nouvelle espèce d’autruche – qui porte son nom – juste avant un naturaliste français qui était aussi aux trousses de l’animal. Enfin, c’est parce que le Beagle remonte vers le nord plus haut que prévu que le jeune savant mettra le pied sur l’archipel des Galapagos, site ô combien emblématique dans sa réflexion.

Une passion pour la biologie tenace

À son retour, en 1839, Darwin épouse sa cousine Emma Wedg wood avec qui il aura 10 enfants. En 1842, le jeune couple quitte Londres pour s’installer à la campagne, dans le village de Down (Kent), où Darwin vécut jusqu’à sa mort, à l’âge de 73 ans. Là, modeste et affable, doté d’une fortune héritée de ses parents et beaux-parents, Darwin travaille d’arrache-pied et fait des croisements avec ses pigeons et ses orchidées, malgré ses ennuis de santé un peu mystérieux (nausées, palpitations), peut-être dus à la maladie de Chagas qu’il aurait contractée au Chili.

Président de la Royal Society, membre de la Société de géologie, il délaisse ces responsabilités londoniennes, mais conserve des relations étroites avec ses amis scientifiques Henslow, Lyell, Joseph Hooker et Thomas Huxley, le « chien de garde » de Darwin. En 1851, la mort de sa fille adorée Annie, âgée de 10 ans, emportée par une tuberculose, le touche particulièrement et contribuera à l’éloigner de la foi. « Il deviendra agnostique, mais ne sera jamais athée », estime Barbara Continenza, professeur d’histoire des sciences à l’université de Rome (1). Au désespoir de sa femme qui était, elle, très croyante.

La théorie de l'évolution

Dernier clin d’œil du destin : la lettre d’Alfred Wallace, reçue un beau matin de 1858. « En relation épistolaire avec Darwin, ce jeune naturaliste âgé de 35 ans, de retour d’une mission en Asie du Sud-Est (Malaisie, Indonésie), propose ni plus ni moins la même idée que celle à laquelle Darwin réfléchit depuis vingt ans », raconte Daniel Becquemont, professeur émérite à l’université de Lille.

Abasourdi, Darwin contacte immédiatement ses amis Lyell et Henslow qui, depuis de longues années, suivent la lente progression de la théorie darwinienne. Ils décident d’organiser une conférence commune devant la Linnean Society à Londres. Mais l’événement passe inaperçu. Dans les mois qui suivent, Darwin finalise son manuscrit. Le 24 novembre 1859 est publié De l’origine des espèces au moyen de la sélection naturelle, qui sera épuisé en quelques jours et suscitera une immense polémique.

Continuant à travailler, il publie d’autres ouvrages sur la domestication des animaux et des plantes, ainsi que sur la filiation et la descendance de l’homme. Décédé le 19 avril 1882, il est enterré avec les honneurs royaux à l’abbaye de Westminster, non loin d’un autre grand héros de la science moderne, Isaac Newton.


Denis SERGENT

(1) Dans le numéro spécial de Pour la science consacré à Darwin, paru en février 2004.