mercredi 24 septembre 2008

Chili, trente-cinq ans après

Le 11 septembre 1973, une période historique prend fin brutalement, le gouvernement de Salvador Allende est abattu par les militaires, la CIA en sous-main. Jamais Augusto Pinochet n’a eu de remords pour la tragédie chilienne fomentée par la junte dont il était le chef : les violences armées, le terrorisme d’État, les milliers de morts (officiellement plus de 3 000), de disparus, d’exilés (1 million). Trente-cinq ans après le « golpe », dix-huit après la fin de la dictature, la transition démocratique, conduite par une coalition (socialistes, démocrates chrétiens et radicaux) n’en finit plus de durer, corsetée dans les mailles tissées par Pinochet. Les Chiliens, meurtris par la férocité des militaires, continuent de réclamer un devoir de mémoire et le châtiment exemplaire à l’égard des tortionnaires. Il y a eu le long épisode judiciaire visant l’ancien dictateur, mais Pinochet a fini par mourir (décembre 2006) sans que justice soit rendue. Cependant, les portes peu à peu se sont ouvertes. Des centaines de militaires et policiers chiliens dont des généraux ont été impliqués pour leurs crimes commis pendant les années de dictature. D’autres instructions se poursuivent toujours. En juillet dernier l’ancien chef de la police secrète de Pinochet, la Dina, a été condamné à la prison à perpétuité pour l’assassinat du général Carlos Prats et son épouse en 1974 à Buenos Aires.

Trente-cinq ans après, la dictature reste présente, sous une autre apparence, avec une Constitution héritée de Pinochet à peine amendée, une démocratie formelle excluant toute participation des communistes et des petits partis, et un modèle néolibéral dont le pays s’est fait le champion planétaire, où l’éducation est bradée au secteur privé. C’est également vrai pour la santé, le logement et le marché du travail. Les grands groupes transnationaux impliqués dans l’exploitation des ressources naturelles (mines de cuivre, bois) ne se sont, eux, jamais aussi bien portés. Bien que dirigée par une présidente socialiste, le Chili de Michèle Bachelet n’a que peu à voir avec le socialisme de progrès et de transformation sociale d’Allende. Lorsque les syndicats, qui ne sont pas sous contrôle de la Concertation, et certains secteurs de la société chilienne manifestent leur opposition à cette politique favorisant les riches, ils sont brutalement réprimés comme ce fut le cas en juillet avec l’arrestation de 1 500 étudiants. Également touchés : les travailleurs employés dans la sous-traitance et les Indiens Mapuche (du sud du Chili) dont le territoire reste occupé militairement depuis des années. Là non plus rien de neuf depuis Pinochet.

Bernard Duraud