mardi 19 août 2008

CAMPAGNE POUR UNE NOUVELLE NATIONALISATION DU CUIVRE AU CHILI


L’assemblée de travailleurs s’est engagée à reprendre la lutte pour une nouvelle nationalisation des grandes entreprises du cuivre, actuellement en grande majorité entre les mains d’entreprises étrangères. Les travailleurs dénoncent également les tentatives de privatisation de l’entreprise d’État CODELCO de la part des grands entrepreneurs et même de la part de certains secteurs du gouvernement. Le dirigeant national des travailleurs en sous-traitance, Cristian Cuevas, a déclaré qu’au Chili, 72% de la production nationale de cuivre provient des entreprises privées étrangères qui, par ailleurs, n’apportent pas à l’État de revenus significatifs qui lui permettraient de financer des projets sociaux. Codelco, dit-il, ne produit que 28 % du cuivre au Chili et si le gouvernement continue de protéger les tentatives de privatisation, les travailleurs sont prêts à faire une grande grève nationale pour défendre la principale richesse naturelle du pays. Julian Alcayaga
Économiste et fondateur du Comité de Défense du cuivre au Chili.
L’économiste chilien Julian Alcayaga a écrit l’article qui suit sur l’importance de nationaliser le cuivre au Chili

Pourquoi est-il important de nationaliser de nouveau le cuivre au Chili?
La nationalisation des grandes entreprises minières du Chili a été, durant les dernières décennies, plutôt une aspiration politique et de dignité nationale qu’une question économique. Cependant, depuis le milieu des années 90, la nationalisation des grandes entreprises minières revêt un caractère à la fois économique, financier et budgétaire, et ce, pour les raisons suivantes.

Lorsque le prix du cuivre était bas, la différence entre les apports des entreprises minières privées étrangères et de celle de l’État n’était pas très marquée, puisqu’à cette époque les apports de Codelco étaient de faible importance et les apports des entreprises minières étrangères étaient presque inexistants. La comparaison entre très peu et presque rien n’était donc pas très éloquente, mais maintenant que le prix du cuivre est monté en flèche, la différence entre les apports de Codelco et ceux des entreprises minières étrangères est abyssale. En 2006, les apports de Codelco ont atteint les 9.215 milliards de dollars, tandis que les entreprises minières étrangères, durant la même année, n’ont rapporté au pays qu’environ 3 milliards de dollars, incluant l’impôt sur le revenu et l’impôt spécifique Royalty 2 . Autrement dit, les entreprises minières étrangères qui extraient deux fois plus de cuivre que Codelco, rapportent trois fois moins de bénéfices au Chili. Si l’on fait le calcul, on constate que pour chaque tonne produite, Codelco rapporte à l’État 6,3 fois plus que les entreprises minières étrangères. En outre, s’il revenait à Codelco d’exploiter les gisements miniers qui appartiennent aujourd’hui aux entreprises étrangères, ceux-ci rapporteraient à l’État 19 milliards de dollars, au lieu de 3 milliards. Ce sont donc ces 16 milliards de dollars que les Chiliens perdent en laissant l’exploitation de ces gisements miniers aux entreprises étrangères. En somme, ce sont les multinationales minières qui, d’année en année, empochent ces 16 milliards de dollars qui appartiennent à tous les Chiliens. Il devient ainsi évident que les milliards de dollars dont dispose aujourd’hui le Ministère des Finances, le Chili les doit au Président Salvador Allende grâce à qui les grandes entreprises minières ont été nationalisées en 1971.

La deuxième raison pour laquelle il est important de nationaliser de nouveau le cuivre au Chili est aussi à caractère économique, et découle du fait de l’extrême abondance de cette richesse au Chili. En effet, le pays possède presque 50 % des réserves mondiales en cuivre, la ressource naturelle la plus importante du point de vue stratégique et économique juste après le pétrole. La valeur actuelle de ces réserves de cuivre dépasse amplement la somme de 3 billions de dollars, c’est-à-dire plus de 3 millions de millions de dollars. Il est inadmissible qu’une richesse aussi extraordinaire reste entre les mains d’entreprises étrangères qui rapportent très peu ou presque rien au pays. Rappelons à ce sujet que la mine Disputada de las Condes, qui est devenue aujourd’hui Minera Sur Andes, n’a pas payé d’impôts sur le revenu entre 1979 et 2005. C’est l’exemple le plus éloquent du fait que rien ne justifie les investissements étrangers dans les mines du Chili.

Finalement, il y a une troisième raison pour laquelle il est important de nationaliser les grandes entreprises minières du Chili : l’expérience et les connaissances qu’ont acquis nos travailleurs et nos professionnels dans ce secteur d'activité industrielle fait en sorte que le pays n’a pas besoin de travailleurs ou de techniciens étrangers, pas plus que d’ingénieurs miniers ou civils, d’administrateurs ou de tout autre type de professionnels étrangers pour exploiter ses richesses naturelles minières. Le Chili est autosuffisant dans ce domaine et il n’existe aucune norme internationale, constitutionnelle ou juridique qui nous empêche de nationaliser nos ressources de base.

En somme, aucune raison ne justifie qu’on ait permis l’investissement étranger dans nos grandes entreprises minières alors que les raisons qui justifient leur nationalisation abondent. Toutefois, pour ce faire, il est impératif de sensibiliser à nouveau notre population quant à cette nécessité, à la lumière des réalités décrites ici, afin de créer un important mouvement social et politique qui aille en ce sens. Comme premier pas dans cette voie, le Comité de défense et de récupération du cuivre et d’autres organisations sociales ont initié une campagne nationale sous forme de pétition en faveur d’une nouvelle nationalisation des grandes entreprises minières du cuivre. Les 50 000 premières signatures ont été remises à la Présidente Michelle Bachelet, le 11 juillet 2008, journée du 37e anniversaire de la nationalisation de 1971.
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La loi 20.026, de juin 2005, qui fixe un impôt spécifique sur les bénéfices, qui est généralement de 4% pour les entreprises étrangères qui exploitent le cuivre chilien.

Traduction de l’espagnol : Xavier Alvarez